La leucodystrophie métachromatique est une maladie génétique rare qui affecte principalement les jeunes enfants, et se traduit par des symptômes neurologiques sévères accompagnés d’une perte des capacités motrices et intellectuelles. À l’Institut du Cerveau, Françoise Piguet et ses collègues ont mis au point un traitement par thérapie génique capable de corriger la principale anomalie observée dans la maladie : l’accumulation de sulfatides dans le cerveau et la moelle épinière. Efficace chez la souris, comme le montrent de nouveaux résultats publiés dans Molecular Therapy – Methods & Clinical Development, cette technique ouvre la voie à des essais cliniques chez l’humain.
La leucodystrophie métachromatique est une maladie génétique rare qui concerne entre 1 et 9 personnes sur 100 000, et se manifeste principalement dans l’enfance et l’adolescence — avec 10 à 20% des cas observés chez l’âge adulte. Héréditaire, elle nécessite toutefois que les deux parents soient porteurs du gène muté, ARSA, qui contrôle la production de l’enzyme arylsulfatase A. La raréfaction de cette enzyme dans l’organisme entraîne une accumulation anormale de certains lipides (les sulfatides) dans la substance blanche du système nerveux central, les nerfs périphériques, les reins, ou encore la vésicule biliaire.
Conséquence ? Une perte de la gaine de myéline qui assure la bonne conduction du signal nerveux dans le cerveau et la moelle épinière, et une forte réponse inflammatoire qui endommage les cellules nerveuses. On observe alors chez les patients des symptômes très handicapants comme des troubles du mouvement, de la vue et de l’audition, une dégradation des capacités intellectuelles et des difficultés pour s’exprimer. La maladie évolue particulièrement vite chez les enfants et conduit à un décès prématuré, d’où l’urgence de mettre au point des traitements efficaces.
Mais pour que la thérapie génique in vivo soit efficace, il faut surmonter une contrainte de taille : permettre au cargo de matériel génétique de passer la barrière hémato-encéphalique, qui empêche les substances indésirables qui circulent dans le sang d’atteindre le cerveau.
A l'assaut de la barrière Hémato-encéphalique
Pour leur étude, Françoise Piguet et son équipe ont choisi un virus dit « adéno-associé » d’un type spécifique (AAVPHP.eB) dont les propriétés lui permettent de traverser sans peine cette barrière, et qui est sans danger pour l’organisme. Les chercheurs l’ont utilisé comme vecteur — c’est-à-dire comme véhicule — pour transporter une copie du gène ARSA fonctionnel dans le cerveau de souris chez qui ce gène était déficient.
« Nous avons administré le gène-médicament à des souris âgées de six mois, puis à des souris âgées de neuf mois dont les symptômes étaient plus sévères, détaille Françoise Piguet. Les effets du traitement ont ensuite été évalués trois et six mois après chaque injection. »
Les résultats des chercheurs sont très encourageants. Le gène sain s’est diffusé avec succès dans la population de neurones cibles, qui ont commencé à secreter la précieuse enzyme et à corriger l’activité des cellules voisines — dont les oligodendrocytes, producteurs de myéline. Conséquence ? Les quantités de sulfatides sont revenues à un niveau normal et la neuroinflammation a été fortement réduite dans le cerveau et la moelle épinière, même chez les souris de neuf mois dont la maladie était plus avancée.
Financement
Ce projet a été financé par le programme de l’Association Européenne contre les Leucodystrophies, JANSSEN Horizon, et le programme « Investissements d’avenir » NeurATRIS.
Sources
Audouard, E. et al. Dose-response evaluation of intravenous gene therapy in a symptomatic mouse model of metachromatic leucodystrophy. Molecular Therapy – Methods & Clinical Development, Avril 2024. DOI : 10.1016/j.omtm.2024.101248.