La paralysie supranucléaire progressive est une maladie rare qui touche entre 5000 et 10 000 personnes en France. C’est une maladie neurodégénérative caractérisée par l’accumulation anormale d’une protéine, la protéine tau, dans les neurones de plusieurs régions du cerveau, qui entraîne leur dégénérescence. Elle débute généralement autour de 60-70 ans. La PSP se caractérise par des symptômes variés, comme une instabilité de la posture à l’origine de chutes, une rigidité musculaire, des troubles ou une paralysie des mouvements des yeux et une atteinte cognitive et comportementale, avec une apathie ou un ralentissement intellectuel. Le tableau clinique est proche de la maladie de Parkinson mais la manifestation des symptômes est très différente dans leur intensité et leur succession. Cinq formes cliniques ont été identifiées en fonction de la prédominance de certains troubles cliniques au début de la maladie.
Comment diagnostique-t-on la PSP ?
Le diagnostic de la PSP est difficile et intervient souvent de façon tardive dans le processus de la maladie, notamment du fait de sa proximité avec la maladie de Parkinson. Il n’existe à l’heure actuelle pas de méthode ni de marqueur diagnostique fiable à 100% pour la PSP. Le diagnostic se base donc sur un ensemble d’examens et de signes cliniques qui orientent vers cette maladie. Les principaux examens aidant au diagnostic de PSP incluent une imagerie cérébrale IRM pour rechercher une atrophie du tronc cérébral, un examen oculomoteur pour identifier un éventuel trouble des mouvements des yeux, ou encore des tests neuropsychologiques.
Comment les patients sont-ils pris en charge ?
Un réseau national de centres experts (centres de référence et de compétence) comme celui de la Pitié-Salpêtrière permettent de réunir un grand nombre de cas de PSP, ce qui nous permet à la fois d’avoir plus de données pour faire progresser la recherche sur cette maladie mais aussi harmoniser les pratiques diagnostiques et mettre plus de moyens pour améliorer sa prise en charge au niveau national. L’expertise qui est développée au sein du centre de référence et des centres de compétence peut ainsi bénéficier à un maximum de patients.
A l’heure actuelle, il n’existe pas de traitements médicamenteux permettant de guérir la PSP. Une prise en charge pluridisciplinaire est proposée au patient pour améliorer certains symptômes et apporter des aides dans sa vie quotidienne. Cette prise en charge est adaptée à la présentation clinique et à la situation de chaque patient. La kinésithérapie et l’orthophonie sont importantes pour prendre en charge les troubles moteurs et des troubles de la parole, des fonctions cognitives et, si besoin, de la déglutition. Un accompagnement psychologique est proposé pour soutenir le patient et son entourage. Une prise en charge sociale est également importante pour mettre en place, lorsque cela est nécessaire, des aides humaines ou financières. Les patients et leur famille sont également accompagnés par les associations de patients (PSP-France (pspfrance.org))
Lorsque cela est possible, les patients éligibles peuvent intégrer des essais cliniques. Les critères d’inclusion sont souvent très stricts, tous les patients ne peuvent donc pas être systématiquement inclus dans les essais, mais cette question fait partie de la prise en charge.
Quels sont les projets de recherche actuels, clinique et fondamentale, à l’Institut du Cerveau sur la PSP ?
Plusieurs équipes de l’Institut du Cerveau travaillent sur la PSP, directement ou indirectement : l’équipe de Marie Vidailhet et de Stéphane Lehéricy sur le mouvement anormal et l’imagerie, le CIC avec les essais pharmacologiques (Pr Corvol), l’équipe ARAMIS sur le développement des algorithmes d’intelligence artificielle (Dr Colliot), l’équipe FrontLab sur les troubles cognitifs et le bénéfice de la stimulation transcrânienne sur certains symptômes de la PSP (Pr Levy, Dr Teichmann, Dr Valero-Cabré), sur la caractérisation de symptômes comportementaux comme l’apathie (Dr Bénédicte Batrancourt, Pr Richard Lévy, Dr Louise-Laure Mariani), et l’équipe du Dr Le Ber sur la recherche de marqueurs biologiques. Ces recherches sont effectuées en lien étroit avec l’hôpital et le centre de référence et, pour la plupart, en collaboration avec le réseau national des centres de compétence
Nous travaillons notamment sur des algorithmes qui permettraient un diagnostic plus précoce et notamment de différencier les patients atteints de PSP des autres syndromes parkinsoniens sur la base d’examen d’imagerie cérébrale. Il faut aussi rappeler qu’en matière de recherche, la transversalité est clé. L’agrégation pathologique de la protéine tau est également présente dans la maladie d’Alzheimer par exemple. Ainsi, les découvertes réalisées l’une ou l’autre de ces maladies peuvent être utile pour faire progresser la recherche dans les autres.
Sur le plan des essais thérapeutiques pharmacologiques, deux essais d’immunothérapie ciblant la protéine tau se sont terminés en 2019 et les résultats ont été rendus disponibles début 2020. L’un était conduit avec Biogen et l’autre par AbbVie. Les résultats de ces deux essais sont malheureusement négatifs, c’est-à-dire que le traitement n’a pas montré de bénéfice sur les symptômes ou la progression de la maladie. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ces échecs. Les anticorps ne ciblaient peut-être pas la bonne forme de tau ou l’administration du traitement est intervenue trop tard dans la progression de la maladie. Ces essais ont tout de même apporté de précieuses informations sur la progression de cette maladie rare et sur les biomarqueurs qui y sont associés, que ce soit en imagerie ou dans le liquide céphalo-rachidien. Sur ce dernier aspect, il faut souligner que beaucoup de marqueurs sont étudiés dans la ponction lombaire, permettant de recueillir le liquide céphalo-rachidien en contact avec le cerveau. Jusqu’à présent, les anticorps anti-tau testés lors des essais cliniques ont fait diminuer la quantité de protéine tau dans le liquide céphalo-rachidien, sans pour autant avoir un effet sur les symptômes de la maladie. Une autre étude vient de démarrer en Europe avec les laboratoires UCB avec un anticorps ciblant une autre forme de la protéine tau.
Nous testons également une approche basée sur une petite molécule, développée par AlzProtect, qui diminue la phosphorylation de la protéine tau – le mécanisme à l’origine de la forme pathologique de la protéine – et dont les premiers résultats dans un modèle expérimental montrent un effet positif sur les symptômes. Après des études de sécurité effectuées chez le volontaire sain, un essai thérapeutique chez les patients atteints de PSP vient de débuter cette année.
Il est aussi important de mentionner un essai thérapeutique multicentrique national français, dirigé par les hôpitaux de Marseille et qui est en cours également au Centre d’Investigation clinique de l’Institut du Cerveau, qui teste l’effet de la rivastigmine, un ancien médicament utilisé dans la maladie d’Alzheimer, qui pourrait diminuer le risque de chutes dans la PSP.
En dehors des essais pharmacologiques une étude de stimulation transcrânienne interagissant avec certains réseaux neuronaux affectés par la PSP a montré des effets significatifs sur les capacités cognitives et notamment sur le langage, qui est fortement réduite chez les patients. Cette étude « en double aveugle contre placebo » conduite par le FrontLab (Institut du Cerveau), l’Institut de la Mémoire et de la Maladie et le Centre de Référence National (Département de Neurologie, Pitié-Salpêtrière) a mis en évidence que les patients trouvent plus facilement les mots et leur sens augmentant ainsi la fluidité du langage. Cette étude pré-thérapeutique a fourni le rationnel pour utiliser la stimulation transcrânienne dans la PSP et elle incite à mener des essais utilisant des séances itératives de stimulation sur un large groupe de patients pour valider son efficacité thérapeutique dans la PSP.