Les tics sont les manifestations principales du syndrome de Gilles de la Tourette. Comment apparaissent-ils ? Pourquoi persistent-ils ? Yulia Worbe, dans l’équipe de Marie Vidailhet, et ses collaborateurs, ont montré que les patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette développent davantage de comportements habituels que des sujets sains du même âge.
Ces résultats apportent un nouvel éclairage sur les mécanismes à la base de la formation et de la persistance des tics, qui pourraient être en partie des actions apprises devenant automatiques, et persistant de la même manière que de mauvaises habitudes. Des altérations de certains réseaux neuronaux impliqués dans la genèse des habitudes pourraient expliquer l’exacerbation de ces comportements chez les patients. Ces résultats permettent de développer de nouvelles approches thérapeutiques, pour lutter contre le syndrome de Gilles de la Tourette.
Le syndrome de Gilles de la Tourette
Le syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) est une maladie neurologique caractérisée par l’association de tics moteurs et vocaux. Les tics sont définis comme des mouvements volontaires exécutés de façon habituelle ou automatique dans certaines situations malgré des conséquences négatives ; tels que des clignements des yeux, des haussements d’épaules, des petits cris.
La dopamine impliquée
La dopamine est un neurotransmetteur impliqué dans les circuits de la récompense qui favorise la formation de comportements habituels. Des réseaux neuronaux situés entre des régions sensorimotrices du cortex cérébral et des structures profondes du cerveau, les ganglions de la base, sont impliqués dans la genèse des habitudes. Des anomalies de ces mêmes structures, et une augmentation de la transmission dopaminergique ont été précédemment démontrées dans le SGT.
Un renforcement des comportements automatiques chez les patients
Les chercheurs de l’Institut du Cerveau – ICM ont mené une étude pour comprendre la formation des tics et des comportements habituels chez les patients atteints du SGT. Dans cette étude, des patients et des sujets sains réalisent un jeu informatique qui teste la formation des habitudes. Dans ce jeu, des images (stimuli) sont montrées successivement au sujet, qui doit apprendre au fil des essais sur quelle touche du clavier appuyer en fonction de l’image.
Cet apprentissage cherche à former chez le sujet une association entre une image et la réponse qui lui est associée. Cet apprentissage est ensuite « dévalué » : on explique au sujet que certaines des réponses ne doivent plus être effectuées quand l’image associée est présentée. Des réponses qui persistent malgré la dévaluation sont considérées comme des réponses habituelles.
Les résultats ont montré que les patients non traités font davantage de réponses habituelles que les sujets sains. Les patients traités par des médicaments inhibant la dopamine génèrent moins de réponses habituelles que les patients non traités. Une IRM cérébrale visant à étudier la connectivité entre différentes régions du cerveau a confirmé l’implication de réseaux neuronaux reliant le cortex moteur et les ganglions de la base dans la formation des habitudes chez les patients.
Lumière sur la formation des tics
Ces résultats nous éclairent sur les mécanismes à la base de la formation et de la persistance des tics, qui pourraient être en partie des comportements appris qui persistent de la même manière que des mauvaises habitudes. Des altérations des réseaux neuronaux connectant le cortex et les ganglions de la base, et une transmission dopaminergique accrue pourraient expliquer l’exacerbation de ces comportements habituels chez les patients avec un syndrome de Gilles de la Tourette.
Inverser les habitudes grâce à une approche comportementale
Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour le traitement du syndrome de Gilles de la Tourette, à la fois par des approches pharmacologiques et psychothérapeutiques qui peuvent être complémentaires. En effet, les thérapies cognitivo-comportementales pourraient cibler spécifiquement cet apprentissage habituel anormal et permettre d’inhiber la réalisation motrice des tics en apprenant au patient des mouvements qui rentrent en compétitions avec cette dernière.