Emmanuel Flamand-Roze est neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et co-responsable de l'équipe Mov'it à l'Institut du Cerveau. Attaché à l'humanisation de la médecine, il est notamment le créateur de The Move, un programme innovant destiné aux étudiantes et étudiants en médecine.

Quel est votre parcours ?
Je suis devenu docteur en médecine à l’Université Paris Cité en 2003, puis docteur en sciences à Sorbonne Université en 2007. J’ai ensuite obtenu une habilitation à diriger des recherches (HDR) en neurosciences.
Depuis 2010, j’exerce comme neurologue dans le département de neurologie de la Pitié-Salpêtrière, après un internat et un clinicat dans les hôpitaux de Paris.
Je me suis spécialisé dans les mouvements anormaux, en particulier chez l’enfant, et j’ai mis en place à la Pitié-Salpêtrière le programme JUMP, qui facilite la transition des adolescentes et adolescents atteints de maladies neurologiques chroniques vers les services adultes.
Aujourd’hui, je co-dirige une équipe de recherche à l’Institut du Cerveau, dédiée aux maladies du mouvement et à leurs frontières avec les processus cognitifs. Nous étudions les aspects cliniques, les causes génétiques, les mécanismes physiopathologiques et explorons de nouvelles pistes thérapeutiques.
A ce jour, j’ai co-signé plus de 350 articles scientifiques sur ces sujets.
Par ailleurs, je suis depuis 2022 « chair » de la section pédiatrique de l’International Parkinson and Movement Disorders Society et membre du bureau du Collège des enseignants de neurologie et du Conseil national des universités de neurologie.
Vous accordez une grande importance à l’enseignement. Pouvez-vous nous parler du programme « The Move » ?
L’enseignement me tient particulièrement à cœur, c’est vrai. C’est pour cela que j’ai conçu « The Move », un programme innovant destiné aux étudiantes et étudiants en médecine, pour leur apprendre la sémiologie neurologique autrement.
La neurologie est souvent perçue comme l’une des disciplines les plus difficiles, alors même que les besoins médicaux dans ce domaine sont croissants. Avec « The Move », nous avons choisi de nous inspirer du concept de l’émission « The Voice » : au lieu de chanter, les étudiantes et étudiants incarnent, par le jeu de rôle, des symptômes neurologiques. Cela rend l’apprentissage concret, ludique, joyeux et surtout mémorable.
L’efficacité de ce programme sur la motivation et les performances des étudiantes et étudiants a été démontrée dans plusieurs publications scientifiques. Nous avons aussi prouvé qu’il permettait de lutter contre la « neurophobie », c’est-à-dire la crainte de la neurologie. Fort de ces résultats, « The Move » est désormais recommandé par le Collège national des enseignant.es de neurologie et figure même dans leurs tutoriels officiels pour faciliter son déploiement dans d’autres universités.
Comment se déroulent concrètement ces sessions ?
Les étudiantes et étudiants de deuxième année de médecine participent à des ateliers en petits groupes, qui constituent la « saison » de The Move. À l’issue de cette saison, ils se retrouvent pour une grande finale.
Pendant cet événement, les groupes s’affrontent dans des « battles » amicales où ils présentent les saynètes qu’ils ont imaginées et répétées. À l’issue des prestations, un jury composé d’enseignantes et enseignants désigne l’équipe gagnante selon deux critères : l’authenticité neurologique et l’originalité du scénario.
Au-delà de l’aspect technique, cet enseignement offre un moment privilégié d’interaction entre tous les participants et participantes. Il leur permet de développer leur empathie, d’apprendre à se mettre à la place des patients, tout en s’entraînant sans gêner les malades. C’est aussi, à mes yeux, une manière joyeuse et constructive de contrer le validisme qui existe dans notre société. On montre la maladie, et on peut aussi en rire, comme on rit des choses de la vie.
« The Move » a désormais une portée internationale. Pouvez-vous nous parler des nouveautés de l’édition 2025 qui vient juste d’avoir lieu ?
Oui, nous avons eu la chance de bénéficier du soutien de la Fondation Hippocrène dès 2017, ce qui nous a permis de transformer « The Move » en un événement international ouvert au grand public, promu par Sorbonne Université et l’Institut du Cerveau.
Pour l’édition 2025, qui s’est déroulée à Strasbourg grâce au soutien des Hôpitaux Universitaires, sept équipes issues de trois continents étaient en compétition. C’est l’équipe de Sao Paulo (Brésil) qui a remporté l’événement, grâce à la qualité neurologique de ses saynètes et à l’originalité des scénarios. Le jury a particulièrement apprécié la façon dont les étudiantes et étudiants ont illustré les conséquences des déficits neurologiques dans la vie quotidienne.
Le prix du meilleur sketch a été décerné à l’équipe d’Hanoï, celui des meilleurs costumes à Nancy, et des prix spéciaux du jury ont récompensé Lausanne et Strasbourg. Pour nous, c’est une immense satisfaction de voir ce projet s’universaliser et s’inscrire dans la durée, tout en créant un espace de fraternité entre jeunes médecins du monde et un moment de démocratie en santé partagé avec les personnes malades et le public.
Vous avez également lancé un podcast. De quoi s’agit-il ?
En effet, en 2022, j’ai co-créé avec Olympe de Gê le podcast d’humanités médicales « Le serment d’Augusta », qui a pour ambition de réinventer la relation soignant-soigné.
Ce podcast est intégré à la formation des étudiants en santé à Sorbonne Université. Il a reçu le prix de la Fondation Sorbonne Université et, tout récemment, en mai 2025, le grand prix du festival du podcast en santé. Nous venons de dépasser les 400 000 écoutes.
Pour moi, c’est un autre moyen d’humaniser la médecine, de questionner nos pratiques et de replacer la parole des patientes et patients au cœur du soin.

L'équipe vise à étudier divers aspects du contrôle moteur et cognitif, en particulier la variabilité inter et intra-sujet des troubles du développement et des maladies acquises ainsi que des modèles animaux génétiquement apparentés.
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