Une étude conduite par le Dr. Aurélie Hanin dans l’équipe du Pr. Vincent Navarro (Sorbonne Université.AP-HP) à l’Institut du Cerveau décrit une perturbation du métabolisme du cholestérol cérébral au cours de l’état de mal épileptique. Les résultats sont publiés dans Neurobiology of Disease.
L’état de mal épileptique est l’une des principales urgences neurologiques, définie comme la persistance d’une crise d’épilepsie et concerne chaque année, en France, environ 20 000 enfants et adultes. En dépit d’une prise en charge thérapeutique adaptée, 25% des états de mal épileptiques sont réfractaires aux traitements antiépileptiques. Les états de mal épileptiques réfractaires présentent une sévérité accrue et nécessitent une prise en charge en réanimation. La persistance des crises expose les patients à des lésions cérébrales irréversibles, à l’origine de séquelles neurocognitives.
L’état de mal épileptique peut s’accompagner de nombreux changements cellulaires et moléculaires, comme une mort neuronale, de l’inflammation et une ouverture partielle de la barrière hémato-encéphalique. Cependant, d’autres mécanismes physiologiques pourraient être altérés lors d’un état de mal épileptique et expliquer une partie de sa toxicité sur le cerveau.
Quelques années auparavant, une étude conduite à l’Institut du Cerveau avait mis en évidence que l’accumulation de cholestérol dans les neurones hippocampiques de souris provoquait une mort neuronale et des anomalies épileptiques, similaires à celles observées à la suite d’un état de mal épileptique, chez la souris et chez l’homme.
L’équipe du Pr Vincent Navarro a poursuivi cette exploration du métabolisme du cholestérol et de sa perturbation dans l’état de mal épileptique.
L’équipe a conduit une recherche translationnelle au sein de l’Institut du Cerveau et de l’Unité d’Épilepsie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, avec des collaborations essentielles avec les réanimations et les départements de biochimie. Ils ont inclus 63 patients en état de mal épileptique et 87 patients témoins, pour lesquels ils ont collecté des prélèvements sanguins et de liquide céphalo-rachidien. Parallèlement, ils ont travaillé sur un modèle murin d’état de mal épileptique et prélevé les hippocampes des animaux en état de mal et des animaux contrôles. Grâce au service de neuropathologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, les chercheurs ont eu accès aux cerveaux de patients décédés d’un état de mal épileptique et à des tissus contrôles.
Ils ont dosé sur les échantillons humains et murins de nombreux marqueurs lipidiques par méthode enzymatique, et des précurseurs de synthèse et dérivés du cholestérol par spectrométrie de masse couplée à la chromatographie liquide. De plus, ils ont pu rechercher la présence de l’enzyme CYP46A1 par western blot et immunohistochimie.
Les chercheurs ont mis en évidence chez la souris une diminution du 24-hydroxycholestérol dans les 24h suivant le début de l’état de mal épileptique et une augmentation de la synthèse du cholestérol après 3 jours. La diminution des concentrations de 24-hydroxycholestérol a été retrouvée pour la première fois chez l’homme au niveau plasmatique ainsi que dans les tissus humains post-mortem. Aucune différence d’expression de la CYP46A1 n’a pu être mise en évidence, permettant de poser l’hypothèse que dans l’état de mal épileptique, l’enzyme CYP46A1 serait toujours présente mais non fonctionnelle. Les chercheurs ont également pu mettre en évidence chez l’homme une augmentation de la synthèse de cholestérol au niveau cérébral et au niveau périphérique. Cette augmentation de synthèse est à mettre en relation avec des changements du bilan lipidique périphérique : une moindre estérification du cholestérol libre limitant l’élimination du cholestérol au niveau du foie et une augmentation des concentrations de l’apolipoprotéine E favorisant un stockage en excès du cholestérol dans les tissus périphériques, voire au niveau cérébral.
Les chercheurs souhaitent à présent comprendre pourquoi l’enzyme CYP46A1 devient non fonctionnelle dans l’état de mal épileptique et quel est l’impact de l’accumulation de cholestérol neuronal sur l’excitabilité des neurones, c’est-à-dire leur capacité à transmettre les décharges électriques.
Sources
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33774180/
Hanin A, Baudin P, Demeret S, Roussel D, Lecas S, Teyssou E, Damiano M, Luis D, Lambrecq V, Frazzini V, Decavèle M, Plu I, Bonnefont-Rousselot D, Bittar R*, Lamari F*, Navarro V; Study Group.Neurobiol Dis. 2021 Mar 24