La maladie de Huntington, affection neurologique rare et héréditaire, est associée à un déficit énergétique qui prélude à l’apparition des symptômes et est étroitement lié à leur évolution. À l’Institut du Cerveau, Fanny Mochel et ses collègues testent une huile synthétique, la triheptanoïne, capable de compenser ce déficit. Lors d’un essai de phase II dont les résultats ont été publiés dans la revue Neurology, les chercheurs montrent que ce composé a un effet inespéré sur l’évolution des signes cliniques.

La huntingtine est une protéine indispensable au développement embryonnaire, à la formation et au maintien du tissu cérébral. Elle est exprimée dans tout l’organisme. Crédit : National Center for Biotechnology Information.
Affection neurodégénérative héréditaire, la maladie de Huntington est liée à une anomalie génétique sur le gène HTT, qui provoque des troubles moteurs, psychiatriques et comportementaux très invalidants qui apparaissent généralement entre 30 et 50 ans. Les traitements actuellement disponibles ciblent les symptômes des patients, mais ne permettent pas de modifier le cours de la maladie. En parallèle, des programmes de thérapie génique sont en cours de développement.
Certains symptômes non neurologiques peuvent être détectés dès le stade présymptomatique, comme une perte de poids importante associée à une diminution des taux de certains acides aminés dans le sang. Ces signes cliniques indiquent que le corps essaie de compenser un déficit énergétique cérébral, aux causes probablement multiples.
En effet, la huntingtine, la protéine qui est déficiente dans la maladie, intervient à différents niveaux de l’équilibre énergétique au sein de l’organisme. Pour aider le corps à trouver l’énergie nécessaire au bon fonctionnement du cerveau sans puiser dans ses réserves, Fanny Mochel et son équipe ont donc eu l’idée d’utiliser un médicament aux propriétés intéressantes.
« La triheptanoïne est un triglycéride à chaîne moyenne (TCM) développé il y a une vingtaine d’années. Il s’agit d’un type d’acide gras qui peut rentrer directement dans les cellules. Contrairement aux acides gras issus de l’alimentation, il produit deux types de molécules énergétiques différentes. Son rendement énergétique est donc particulièrement élevé, notamment pour les cellules cérébrales », poursuit la chercheuse.
Un traitement « disease-modifier » ?
Après plusieurs études très encourageantes chez l’animal et chez l’humain, Fanny Mochel et son équipe ont recruté 107 patients français et hollandais en début de maladie, en collaboration avec l’équipe de Raymund Roos aux Pays-Bas. D’abord sous la forme d’un essai clinique randomisé en double-aveugle de six mois, l’étude a été prolongée par une phase ouverte de six mois où les patients ont été comparés au bras placebo d’un essai thérapeutique similaire.
Les participants ont été évalués au bout de 6 et 12 mois, via l’Unified Huntington’s Disease Rating Scale (UHDRS), une échelle standardisée qui permet d’observer l’évolution des capacités motrices, cognitives et comportementales des patients. Ils ont également passé des examens d’imagerie destinés à évaluer l’atrophie du noyau caudé dans le striatum – une région du cerveau très sensible aux changements biologiques associés à la maladie.
Les résultats de l’étude à 12 mois montrent que les symptômes des patients qui avaient reçu la triheptanoïne n’avaient que très peu évolué, contrairement aux patients qui avaient reçu le placebo, dont l’état s’était dégradé – comme attendu. De plus, la progression de l’atrophie du noyau caudé a été réduite de 50% chez les patients ayant reçu la triheptanoïne, ce qui montre un effet direct du traitement sur les mécanismes de la maladie.
Des résultats prometteurs à confirmer
« Nous avons observé un bénéfice clinique significatif de la triheptanoïne, qui a l’avantage d’être un traitement accessible, peu invasif, et dont l’acceptabilité est bonne, car il se présente sous la forme d’une huile à mélanger à l’alimentation », précise Fanny Mochel.
Les chercheurs sont désormais dans l’attente d’un essai clinique de phase III qui permettra d’apprécier si la triheptanoïne améliore les symptômes moteurs, cognitifs et comportementaux après une prise prolongée d’un an ou plus. Selon eux, il ne s’agit pas d’un traitement capable de guérir la maladie dans son ensemble, mais peut-être tient-on ici l’un des composés qui peut contribuer à ralentir sa progression et améliorer le quotidien des patients.
Financement
Cette étude a été financée par Ultragenyx Pharmaceutical Inc.
Sources
Mochel, F., et al. Phase 2 randomized trial of Triheptanoin for patients in early-stage Huntington disease. Neurology, Décembre 2024. DOI : 10.1212/WNL.0000000000210194.

L'équipe vise à élucider le rôle des cellules immunitaires innées et adaptatives dans la destruction et la réparation de la myéline dans la sclérose en plaques, à cibler l'immunité innée comme médiateurs thérapeutiques dans les maladies...
En savoir plus