Principale urgence neurologique, l’état de mal épileptique se définit comme une crise d’épilepsie persistante. Exposant les patients à des lésions cérébrales irréversibles à l’origine de lourdes séquelles cognitives, il nécessite une prise en charge en réanimation, pouvant conduire à une mise sous sédation (coma artificiel). Des chercheurs et cliniciens à l’Institut du Cerveau (Inserm/CNRS/Sorbonne Université) et à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP viennent d’identifier de nouveaux marqueurs clinico-biologiques, permettant d’évaluer les capacités de récupération d’un patient après un état de mal épileptique, son degré de perte d’autonomie et dans certains cas, la mortalité. Ces résultats, publiés dans Journal of Neurology, marquent une première étape vers l’élaboration d’un outil de pronostic fiable, utilisable en routine à l’hôpital.
Contrairement aux crises d’épilepsie « classiques », ne durant que quelques secondes, l’état de mal épileptique correspond à une décharge continue de neurotransmetteurs par les neurones du foyer épileptique, situés dans le cortex cérébral, pendant plusieurs minutes, heures, voire jours. Ces crises exposent le cerveau des patients à des dommages irréversibles. Cette pathologie concerne chaque année, en France, près de 20 000 enfants ou adultes. Dans près de 25% des cas, les états de mal épileptiques sont réfractaires aux traitements médicamenteux et nécessitent une prise en charge en réanimation. Évaluer l’état futur du patient en sortie de réanimation est essentiel pour orienter l’équipe médicale et les proches vers la prise en charge ultérieure. Si plusieurs marqueurs cliniques et biologiques ont été proposés ces vingt dernières années, aucun outil pronostique n’est actuellement disponible, l’identification de marqueurs pronostiques restant difficile en raison de l’hétérogénéité des présentations cliniques et des étiologies.
A l’Institut du Cerveau, des chercheuses et chercheurs de l’équipe « Excitabilité cellulaire et dynamique des réseaux neuronaux » sous la direction du Pr Vincent Navarro (AP-HP Sorbonne Université) et du Dr Mario Chavez (CNRS), proposent, dans une étude en collaboration avec les services de réanimation et de biochimie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, de nouveaux scores clinico-biologiques pour optimiser l’évaluation pronostique des patients admis en réanimation pour un état de mal épileptique.
L’étude conduite par le Dr Aurélie Hanin a été menée sur une cohorte de 81 patients hospitalisés dans les services de réanimation de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP. Leur état a été évalué avant l’état de mal épileptique, à la sortie de réanimation et entre 6 et 12 mois après la sortie d’hospitalisation.
Un premier modèle statistique d’intelligence artificielle, développé par les scientifiques, a mis en évidence une dizaine de variables cliniques et biologiques mesurées à l’entrée du patient en réanimation, dont l’association permet d’identifier 74% des patients avec une perte d’autonomie en sortie de réanimation, et 73% des patients chez qui l’état de mal épileptique n’a pas eu de conséquences. Un second modèle statistique, associant seulement trois variables clinico-biologiques (phospholipides, cholestérol, et le caractère réfractaire de l’état de mal) a été capable d’identifier 80% des patients ayant eu une perte d’autonomie.
L’équipe de recherche a également proposé pour la première fois un score clinico-biologique simple (avec les valeurs du cholestérol, de la créatinine, et l’état initial du patient) permettant de prédire le degré de perte d’autonomie attendue en sortie de réanimation.
Ces nouveaux outils clinico-biologiques font l’objet d’un brevet géré par l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. L’équipe de recherche collabore également avec la Direction des Systèmes d’Information de l’Institut du Cerveau pour développer une application mobile qui facilitera le déploiement et l’utilisation de ces scores dans les services cliniques.
Ce projet est financé par la Fondation ICM, la Fondation AP-HP et la Fondation pour la Recherche Médicale (FDM20170839111)
Sources
Clinico-biological markers for the prognosis of status epilepticus in adults. Hanin A, Demeret S., Lambrecq V., Rohaut B, Marois C, Bouguerra M., Demoule A., Beaudeux J-L., Bittar R., Denis J., Imbert-Bismut F., Lamari F., Rucheton B., Bonnefont-Rousselot D., Chavez M., Navarro V. Journal of Neurology. 29 juin 2022. DOI: 10.1007/s00415-022-11199-4
L’équipe "Excitabilité cellulaire et dynamique des réseaux neuronaux" explore comment le cerveau devient épileptique (épileptogenèse), comment il produit des crises (ictogenèse) et les relations entre activités neurophysiologiques et sémiologie...
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