Une étude conduite par Marie-Constance Corsi et Fabrizio De Vico Fallani dans l’équipe ARAMIS à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière montre l’intérêt d’une approche multimodale pour l’optimisation des interfaces cerveau-machines.
« Interface cerveau-machine » est un terme générique qui comprend la possibilité d’utiliser l’activité cérébrale pour interagir avec le monde extérieur sans passer par le muscle. Il regroupe aussi bien des technologies comme le neurofeedback – des techniques utilisées en neuroscience pour se relaxer, modifier le niveau de stress ou d’autres tâche, que la possibilité de contrôler des objets externes grâce à notre cerveau, pour écrire avec la pensée, contrôler un curseur sur un écran ou un bras robotique par exemple. Il existe également des applications plus orientées vers la clinique comme l’imagination motrice chez les patients touchés par un AVC, consistant à demander à un patient avec un membre paralysé d’imaginer un mouvement, ce qui se traduit par une activité cérébrale très proche de celle générée lors d’un mouvement chez une personne en bonne santé. Un feedback est ensuite donné au patient sur le mouvement qu’il a imaginé pour améliorer la récupération motrice.
Si ces technologies semblent aussi puissantes, pourquoi les interfaces cerveau machine ne sont-elles pas utilisées plus couramment aujourd’hui ? Une raison simple : elles ne fonctionnent pas à tous les coups. Le taux de performance de ces interfaces est d’environ 60 à 70%. Autrement dit, elles échouent dans 30 à 40% des cas. Une grande disparité est également observée entre les sujets, certains réussissant du premier coup avec un taux de performance à 100%, d’autres mettant beaucoup plus de temps à utiliser efficacement la technologie. Cette différence fait qu’aujourd’hui, il est très difficile d’utiliser couramment ces interfaces.
Pour répondre à cette problématique, l’ensemble de la communauté scientifique cherche à améliorer ces interfaces cerveau-machine en travaillant sur différentes composantes.
Une interface cerveau-machine comprend globalement trois éléments : le cerveau ; l’extraction de données issue de celui-ci – quelles informations utiliser parmi l’ensemble des données enregistrées ? – Dans le cas des empreintes digitales par exemple, seuls quelques points sur celles-ci sont nécessaires pour nous différencier. La démarche est identique pour des signaux de l’activité cérébrale comme ceux des électroencéphalogrammes (EEG). Il est essentiel de trouver les points de référence qui permettront une caractérisation optimale et une bonne détection de l’état mentale. Le troisième élément de l’équation est l’intelligence artificielle : l’algorithme qui permet de détecter l’action qui a été réalisée, même dans un environnement très « bruité » contenant beaucoup d’informations peu pertinentes.
Pour chacune de ces deux modalités, les chercheurs ont extrait des mesures des caractéristiques et ont ensuite appliqué des techniques de classification standard. Dans un deuxième temps, une technique de fusion a été introduite pour combiner au mieux les informations issues de chaque technique.
Grâce à cette méthode, les chercheurs montrent une amélioration des performances de l’interface cerveau-machine. Selon les sujets, chaque technique apporte plus ou moins d’informations spécifiques. En les combinant, ils optimisent ainsi les informations obtenues.
L’optimisation de ces interfaces cerveau-machine laisse entrevoir une utilisation de celles-ci en pratique clinique dans les prochaines années, comme l’imagination motrice pour la récupération de la motricité après un AVC.
Sources
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29768971/
Corsi MC, Chavez M, Schwartz D, Hugueville L, Khambhati AN, Bassett DS, De Vico Fallani F. Int J Neural Syst. 2019 Feb