Le diagnostic des formes atypiques de la maladie d’Alzheimer est encore aujourd’hui parfois difficile. Les chercheurs de l’Institut du Cerveau ont développé un algorithme automatisé permettant de corréler les spécificités des lésions cérébrales aux symptômes associés à ces formes.
La dégénérescence des neurones qui survient dans la maladie d’Alzheimer est le résultat de la progression concomitante de deux types de lésions : d’une part l’accumulation anormale à l’extérieur des cellules nerveuses d’une protéine appelée peptide ß-amyloïde (ou encore peptide A-bêta ou peptide Aß) conduisant à la formation de « plaques amyloïdes » encore appelées « plaques séniles », et d’autre part l’accumulation anormale de la protéine TAU dans les neurones conduisant à leur dégénérescence.
Malgré des lésions similaires, un panel de symptômes hétérogène.
La perte de mémoire est souvent le premier symptôme de la maladie d’Alzheimer qui permet d’orienter le diagnostic. Ensuite, surviennent des troubles des fonctions exécutives, des troubles de l’orientation spatio-temporelle, puis progressivement s’installent des troubles du langage (aphasie), de la reconnaissance des informations (agnosie), du mouvement (apraxie), du comportement, des troubles de l’humeur (anxiété, dépression, irritabilité) et des troubles du sommeil.
Cependant, la présentation clinique des patients est très hétérogène et différents sous-types de la maladie ont été décrits, dont une forme non génétique inhabituelle qui évolue très rapidement (moins de 2 ans) jusqu’au décès du patient (rMA).
A ce jour, aucune caractéristique spécifique des lésions cérébrales observées chez les patients atteints de rMA n’a été identifiée et de plus l’examen clinique de ces cas conduit souvent à des mauvais diagnostics dus à une similarité des symptômes avec ceux présentés par des patients atteints de maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Optimiser la prise en charge des patients Alzheimer.
L’objectif du projet STRATIFIAD porté par Daniel RACOCEANU (Professeur à Sorbonne Université) et Benoit DELATOUR (Directeur de recherche CNRS) est double :
- Développer des approches d’intelligence artificielle (IA) entièrement automatisées, permettant d’identifier des particularités dans les lésions cérébrales des formes atypiques de la maladie d’Alzheimer. Le développement d’un tel outil permettrait d’une part de caractériser finement les formes atypiques connues mais également d’identifier de nouvelles « variantes » de la maladie. Il s’agirait du 1er algorithme permettant une classification automatisée des lésions cérébrales de la MA et de dissocier les différentes morphologies (intra- ou extracellulaire) de ces lésions. Cette approche automatisée, systématique et non-biaisée, pourrait compléter le travail d’analyse, souvent manuel et fastidieux et possiblement biaisé, que réalisent les neuropathologistes experts.
- Corréler les différents profils identifiés de lésions cérébrales à des informations cliniques, c’est-à-dire des symptômes particuliers (perte de mémoire, troubles du langage ou de l’humeur, démence…), une évolution de la maladie lente ou rapide ainsi qu’à des spécificités observées en IRM.
Les résultats de ce projet pourront constituer des critères fiables et reproductibles pour orienter les cliniciens en matière de diagnostic, de pronostic et de traitement adaptés à l’évolution de chaque patient.
Une interface ouverte à tous les professionnels de santé.
Cet algorithme innovant utilisant l’intelligence artificielle et entièrement automatisé pour l’analyse histologique et la caractérisation des agrégats de protéine Tau et de peptide Aß dans des images cérébrales est développé en partenariat avec la plateforme « Histomics » de l’Institut du Cerveau et le laboratoire de neuropathologie de la Salpêtrière (Dr. S. Boluda) et sera, dans le futur, accessible à tous les cliniciens.
De plus tous les résultats générés (par exemple, les nouvelles mesures morphologiques et topologiques) seront formalisés dans une base de données structurée « AD Whole Slide Images (WSI) » qui constituera un autre livrable-pilier du projet et une première mondiale.
Enfin, le projet a également pour but de de développer une série logicielle utilisable utilisable par les cliniciens et les biologistes au sein d’une interface open-source, ergonomique et facile à utiliser pour visualiser, annoter et partager des images de lames histologiques entières.
Sources
MICCAI (Medical Image Computing and Computer Assisted Intervention) 2022 Singapour