On a coutume de dire et d’entendre qu’une activité sportive est bonne pour la santé, mais jusqu’à quel niveau d’entrainement peut-on aller sans préjudice pour notre cerveau ?
Une étude menée par Mathias PESSIGLIONE, chef d’équipe à l’Institut du Cerveau, en collaboration avec l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance) et l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD) montre qu’un entrainement physique trop intense nuit à nos capacités cérébrales, en particulier au contrôle cognitif.
L’étude avait pour objectif principal d’identifier les causes d’un syndrome courant chez les athlètes de haut niveau, le « syndrome de surentrainement », qui se traduit par une baisse des performances sportives et une sensation intense de fatigue. Un athlète souffrant de ce syndrome est souvent tenté par les produits susceptibles de rétablir ses performances, d’où l’intérêt de l’AFLD dans ce projet.
Deux groupes de triathlètes, l’un suivant un entrainement « normal » de haut niveau et l’autre soumis à une surcharge d’entrainement, ont été étudiés à l’Institut du Cerveau d’une part d’un point de vue comportemental et d’autre part par IRM fonctionnelle.
Les chercheurs ont montré qu’un entrainement sportif trop intensif pouvait être assimilé à un travail intellectuel excessif, entrainant les mêmes effets délétères sur l’activité du cortex latéral préfrontal et sur l’impulsivité lors d’une prise de décision.
D’un point de vue physiologique, il semble que le cortex préfrontal soit plus difficile à activer chez un cerveau fatigué, probablement à cause d’un système de rétrocontrôle évitant que cette région épuise les ressources énergétiques du cerveau ou y accumule des déchets métaboliques. Cette hypothèse reste à démontrer par une étude de spectroscopie par résonance magnétique, qui est actuellement menée à l’Institut du Cerveau par l’équipe de Mathias PESSIGLIONE.
En conclusion, cette étude a permis de montrer qu’un excès d’activité sportive, tout comme un excès de travail intellectuel, altère les capacités cérébrales de contrôle cognitif. La diminution du contrôle cognitif dans le cerveau fatigué correspond à une activité réduite du cortex latéral préfrontal, qui se traduit par des décisions impulsives, privilégiant les gratifications à court terme plutôt que les buts à long terme.
Ces résultats mettent en évidence que la fatigue cérébrale doit être prise en compte pour prévenir les mauvaises décisions dans les milieux économiques, politiques ou encore judiciaires. Sur le plan clinique, la fatigue du contrôle cognitif pourrait représenter une première étape dans le développement d’un syndrome de « burn-out », comme on en voit dans toutes sortes de milieux professionnels. Les recherches devront maintenant s’efforcer d’identifier les interventions qui permettent d’en rester au stade de la fatigue, et d’éviter l’installation du burn-out proprement dit, c’est-à-dire l’épuisement complet de la personne.
Sources
https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(19)31104-2?_re…