Une étude, conduite à l’Institut du Cerveau – ICM par Laurent Jacob (Institut du Cerveau – ICM) et Jean-Léon Thomas (Inserm), en collaboration avec Nicolas Renier (Inserm), décrit pour la première fois l’anatomie et les fonctions des vaisseaux lymphatiques vertébraux. Les résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.
Le système vasculaire lymphatique est présent dans la quasi-totalité des tissus. Il draine la lymphe, vers les ganglions lymphatiques. Il est complémentaire vaisseaux sanguins et assure l’évacuation des déchets ainsi que la surveillance immunitaire au sein des organes et tissus. Le système vasculaire lymphatique est néanmoins absent du tissu cérébral et spinal. Comment le système nerveux central (SNC) se débarrasse-t-il donc de ses déchets et comment assure-t-il sa protection immunitaire ?
En 2015, la description d’un réseau de vaisseaux lymphatiques au niveau des méninges du crâne connecté aux ganglions lymphatiques cervicaux, a apporté un élément de réponse et suscité un vif intérêt. Bien qu’il soit localisé en périphérie du cerveau, ce réseau s’est confirmé, au travers des études récentes, comme un régulateur de l’évacuation de la protéine bêta-amyloïde et de certaines réponses inflammatoires cérébrales. Les mécanismes mis en jeu au niveau des vaisseaux lymphatiques méningés ont donc probablement un rôle dans les pathologies neurodégénératives et auto-immunes du SNC. Qu’en est-il de la moelle épinière ? Est-elle aussi entourée d’un réseau lymphatique et comment celui-ci est-il drainé ?
Des chercheurs de l’Institut du Cerveau – ICM ont répondu à cette question rendue délicate par la présence de muscles, vertèbres et membranes autour de la moelle épinière, autant d’obstacles à la détection du système lymphatique vertébral. Les chercheurs ont utilisé une technique de transparisation, iDISCO+, mise au point par Nicolas Renier (Institut du Cerveau – ICM), qui permet de conserver l’ensemble des structures entourant la moelle épinière et de les rendre transparentes. Les échantillons ‘transparisés’ ont ensuite été marqués avec des anticorps spécifiques des cellules endothéliales lymphatiques et observés avec un microscope à feuillets de lumière. Une représentation en trois dimensions des structures lymphatiques vertébrales a ainsi été reconstituée.
« Avec la technique du microscope à feuillets de lumière, nous avons pu rentrer dans la profondeur du tissu, en 3D, et reconstituer toute l’architecture des structures lymphatiques grâce à un marquage des vaisseaux lymphatiques » explique Laurent Jacob, premier auteur de l’étude.
Les vaisseaux lymphatiques sont localisés entre les vertèbres et connectés à l’extérieur avec : les ganglions cervicaux profonds au niveau cervical ; le canal lymphatique thoracique, un large vaisseau lymphatique qui draine la majorité de la lymphe du corps ; et les ganglions rénaux au niveau lombaire. Alors qu’au niveau de la boite crânienne les vaisseaux lymphatiques se trouvent au niveau de la dure-mère, la couche la plus superficielle des méninges, les lymphatiques vertébraux sont en majorité dans l’espace épidural, au-dessus de la dure-mère.
La deuxième partie du travail a été d’explorer la fonction de drainage de ce circuit et de tester s’il contribuait à la réponse immunitaire dans la moelle épinière. Pour étudier l’interaction avec le système immunitaire, les chercheurs ont analysé les populations de cellules immunitaires associées aux lymphatiques vertébraux et ont créé des lésions au niveau de la moelle épinière pour étudier la réponse de ces cellules. En cas de lésion spinale, le nombre et le diamètre des vaisseaux lymphatiques vertébraux s’accroit rapidement. L’ajout du facteur de croissance des vaisseaux lymphatiques, VEGF-C, avant l’apparition de la lésion accroit fortement le développement du réseau lymphatique vertébral. Dans ce contexte, les chercheurs ont observé une augmentation des cellules immunes au niveau de la moelle épinière, accompagnée d’un accroissement de la taille de la lésion réalisée. Le réseau lymphatique vertébral est donc associé à une attaque immunitaire du tissu spinal. Ces nouvelles données confirment que les vaisseaux lymphatiques du système nerveux central pourraient réguler la réponse inflammatoire dans cette zone.
« Un réseau lymphatique plus important serait donc délétère pour la lésion, en augmentant la présence des cellules immunitaires et donc l’inflammation dans le tissu du système nerveux central. » précise Laurent Jacob.
Le réseau lymphatique associé au système nerveux central jouerait donc sur la circulation des cellules immunitaires vers les ganglions lymphatiques auxquels il est connecté régionalement. S’en suivrait une activation des cellules lymphocytaires dans les ganglions et leur mise en circulation dans le flux sanguin vers leur cible du SNC. La validité de ce modèle reste encore à démontrer.
L’ensemble de ces résultats apportent des informations inédites sur l’anatomie et le fonctionnement des vaisseaux lymphatiques vertébraux. Ils fournissent une cartographie 3D de ce système et de son organisation. Ils soulignent également le rôle très important de ces vaisseaux dans la réponse immunitaire à une lésion de la moelle épinière.
Sources
Anatomy and function of the vertebral column lymphatic network in mice. Jacob L. et al. Nature Communications, Octobre 2019.