La compréhension des mécanismes cérébraux de la prise de décision est devenue l'un des plus grands défis dans le domaine des neurosciences cognitives.
Quels sont les mécanismes cognitifs qui nous permettent de prendre des décisions ? D’où vient qu’on préfère certaines options plutôt que d’autres ? Comment la valeur d’une option est-elle estimée par le cerveau ?
Une étude conduite par Mathias PESSIGLIONE, chef d’équipe et directeur de recherche INSERM à l’Institut du Cerveau et Alizée LOPEZ-PERSEM, post-doctorante à l’Institut du Cerveau, a permis de mettre en évidence les caractéristiques principales du signal neuronal impliqué dans les jugements de valeur. Ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue scientifique Nature Neuroscience.
Grâce à des électrodes implantées dans le cerveau de 36 patients épileptiques, candidats à une thérapie chirurgicale, les chercheurs ont pu enregistrer l’activité électrique neuronale dans environ 4000 zones cérébrales, alors que les patients réalisaient des tâches d’évaluation.
Dans ces tâches, les patients devaient indiquer à quel point ils aimaient les options qu’on leur présentait sur un écran, par exemple manger un gâteau au chocolat ou voir un tableau de Picasso. Cette tâche était suivie d’une tâche de choix entre deux de ces options, qui permettait de vérifier que les jugements de valeurs fournis par les patients permettaient de prédire leurs préférences.
Cette étude a permis d’identifier quatre propriétés essentielles du signal neuronal observé dans la région du cortex orbito-frontal (zone cérébrale située dans le cortex préfrontal, juste derrière les orbites oculaires).
- Ce signal est dépendant de sa ligne de base, c'est-à-dire de l’état du cortex orbitofrontal au moment où on présente les options : si son activité est élevée, nous aurons tendance à aimer davantage l’option proposée.
- Ce signal est généraliste, c'est-à-dire qu’il représente la valeur de n’importe quel type d’option, ce qui nous permet de choisir entre des options qui n’ont rien à voir entre elles, comme aller au musée ou déjeuner avec des amis.
- Ce signal est automatique, c'est-à-dire que la valeur subjective d’une option est représentée dans le cortex orbito-frontal même lorsque nous n’avons pas de décision à prendre ou de préférence à exprimer.
- Ce signal contient à la fois une information de premier ordre, la valeur de l’option, et une information de second ordre, notre confiance dans ce jugement de valeur, qui doit également être prise en compte dans la décision.
Prises ensemble, ces quatre propriétés expliquent les erreurs d’attribution dans les jugements de valeur. Ainsi nous pensons parfois estimer la valeur d’une option, alors que nous sommes influencés par la valeur d’une autre. Par exemple, une personne au restaurant est soumise à nombre d’influences de l’environnement comme ce qu’elle mange, la musique d’ambiance, le décor et la conversation des autres convives. On observe alors des interférences entre les valeurs associées à ces différents facteurs, qui peuvent par exemple nous amener à croire que nous apprécions la personne en face de nous, alors qu’en fait nous apprécions le plat que nous mangeons.
Ces résultats vont permettre de mieux comprendre les dysfonctionnements du système cérébral qui génère les jugements de valeur, dans des conditions pathologiques comme par exemple les troubles de l’humeur.
Sources
Four core properties of the human brain valuation system demonstrated in intracranial signals, Nature Neurosciences 2020.
https://www.nature.com/articles/s41593-020-0615-9