La négligence visuelle est un trouble survenant le plus souvent après une lésion de l’hémisphère droit du cerveau, suite à un AVC (Accident Vasculaire Cérébral) par exemple. Les personnes atteintes agissent comme si elles ignoraient la moitié gauche du monde. Ce symptôme, au-delà du handicap qu’il entraine dans la vie quotidienne des patients, gêne également la rééducation et la récupération post-AVC.
La négligence visuelle, un symptôme fréquent et handicapant
Si dans certains cas, les individus récupèrent spontanément de leur négligence, d’autres développent une négligence chronique, persistant plusieurs années après l’accident. Une précédente étude de l’équipe de Paolo Bartolomeo à l’Institut du Cerveau – ICM avait identifié une différence anatomique, dans la partie postérieure du corps calleux, la structure faisant communiquer les deux hémisphères, entre des patients qui avaient développé une négligence chronique (chez lesquels cette structure était endommagée) et ceux qui avaient récupéré. Cette partie du corps calleux est plutôt impliquée dans les échanges entre les lobes pariétaux du cerveau, qui contiennent des connexions importantes pour l’attention.
Cette découverte est venue renforcer l’hypothèse selon laquelle la récupération de la négligence se fait aussi grâce aux réseaux de l’hémisphère non endommagé, mais seulement quand ceux-ci peuvent communiquer avec l’hémisphère lésé. En cas de coupure, une atteinte du corps calleux typiquement, ces réseaux restent isolés et n’arrivent pas à compenser la négligence.
Une technique de rééducation: l'adaptation prismatique
L’adaptation prismatique est une technique de rééducation de la négligence visuelle très simple à mettre en place. Elle consiste à donner au patient des lunettes « prismatiques » qui déplacent tout le champ visuel de 10° vers la droite.
Dans ce cas, le système visuo-moteur du cerveau n’a pas encore associé le changement de vision et les mouvements du corps. Ainsi le sujet « voit » avec un décalage de 10° à droite mais son bras « perçoit » toujours dans sa configuration initiale. Au bout de quelques essais, le système se recalibre et le patient parvient à atteindre sa cible. Mais dès qu’il retire les lunettes, le système est alors calibré avec le décalage, le patient ne parvient donc à nouveau plus à toucher sa cible.
Des prédicteurs anatomiques de l'efficacité de la rééducation
Dans leur nouvelle étude, l’équipe de Paolo Bartolomeo a cherché à identifier des prédicteurs anatomiques de la réponse des patients avec une négligence chronique à ce traitement. Ils ont pu identifier deux groupes de patients, les bons répondeurs au traitement, c’est-à-dire qui récupéraient au moins 20% de leur capacité et les moins bons répondeurs.
Chez ces deux groupes, deux facteurs étaient évalués : l’épaisseur du cortex cérébral dans l’hémisphère sain, qui renseigne sur les connexions cérébrales de différentes régions du cerveau, et l’état de la substance blanche du cerveau, également riche en connexions.
Les chercheurs montrent que les régions qui diffèrent entre les bons et les moins bons répondeurs sont principalement des réseaux de l’attention dans l’hémisphère gauche du cerveau. Il s’agit d’un argument important pour le rôle des réseaux de l’attention dans l’hémisphère sain pour la récupération de la négligence induite par cette technique de rééducation.
Deux régions dans la partie antérieure du corps calleux, différentes entre les patients qui répondent bien au traitement et ceux qui répondent moins bien, ont également été identifiées. Ces régions connectent des zones fronto-pariétales plus antérieures du cerveau, par rapport à celles connectées par la partie postérieure du corps calleux.
L’adaptation prismatique est une technique visuo-motrice dans laquelle le système moteur joue un rôle important. Ce résultat suggère qu’une bonne communication entre les systèmes moteurs des deux hémisphères, plutôt situé au niveau frontal, favorise l’efficacité de l’adaptation prismatique pour la récupération de la négligence.
En temps normal, la récupération de la négligence implique la communication des circuits postérieurs du cerveau. Lorsque celle-ci est perturbée, une négligence chronique peut se développer. Ici, l’adaptation prismatique semble activer des circuits plus antérieurs, qui ne sont habituellement pas mis en jeu pour la négligence, afin de faire communiquer les deux hémisphères.
Sources
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30621959/
Lunven M, Rode G, Bourlon C, Duret C, Migliaccio R, Chevrillon E, Thiebaut de Schotten M, Bartolomeo P. Cortex. 2018 Dec 15.