La sérotonine est un neuromodulateur, c’est-à-dire une molécule produite par les neurones pour moduler la communication entre d’autres neurones dans notre cerveau. Les fonctions de la sérotonine sont nombreuses et encore peu décrites pour certaines. Elle est impliquée notamment dans la régulation des comportements, l’humeur, l’anxiété ou encore l’apprentissage. Elle serait également impliquée dans la motivation et la prise de décision. Une nouvelle étude de l’équipe de Mathias Pessiglione s’intéresse à mieux comprendre les effets des traitements SSRI, prescrits dans les cas de dépression profonde, sur la motivation chez l’individu sain, et à replacer ces effets dans le cadre général du rôle de la sérotonine dans la prise de décision.
Que sont les traitements SSRI ?
Dans les cas de dépression profonde, les traitements les plus prescrits sont des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ou SSRI. Ils permettent d’augmenter la quantité de sérotonine disponible dans le cerveau. Les effets de ces traitements sont une amélioration de l’humeur et une diminution de l’anxiété. Cependant, leurs effets sur l’apathie, définie comme une perte de motivation et d’intérêt, ne sont pas clairs. Plusieurs études ont effectivement montré que ces traitements ne réduisaient pas l’apathie voir qu’ils avaient tendance à l’induire chez certains patients, tandis que d’autres études montrent une amélioration de la motivation ou de la sensibilité à la récompense.
Comment fonctionnent ces traitements ?
Pour comprendre comment fonctionnent ces traitements, il faut retourner au niveau de nos synapses. La synapse est la zone de contact entre deux neurones. Le rôle de la sérotonine est de moduler l’efficacité de la transmission synaptique, c’est-à-dire le passage de l’information d’un neurone à l’autre. Le principe des inhibiteurs sélectifs est d’empêcher la recapture de la sérotonine. De ce fait, la sérotonine reste plus longtemps au niveau de la synapse, ce qui augmente la stimulation des neurones.
Quelle méthodologie avez-vous utilisée pour cette étude ?
L’étude a été réalisée chez 58 sujets sains répartis en deux groupes. Le groupe 1 a reçu un traitement antidépresseur à base de SSRI, tandis que le groupe 2 a reçu un placebo. Le test proposé consistait à serrer une poignée pendant un certain lapse de temps, plus les sujets serraient la poignée longtemps plus ils gagnaient d’argent.
Quels sont les résultats de votre étude et quelles perspectives ouvrent-ils ? Le traitement SSRI a-t-il eu un effet sur les décisions des sujets ?
Les patients sous traitement antidépresseur ont fourni un effort plus important pour obtenir une récompense. Ainsi, une augmentation de la sérotonine pourrait jouer un rôle dans l’amélioration de la motivation, soit en diminuant la perception du coût de l’effort à fournir, soit en donnant plus de valeur à la récompense. L’analyse mathématique/computationnelle de ces résultats favorise la première option, c’est à dire que le traitement aurait un impact sur l’estimation du coût de l’effort à fournir. Ces résultats suggèrent un rôle de la sérotonine dans le dépassement du coût que représentent nos actions, comme l’importance de l’effort à fournir ou le délai à attendre pour obtenir une récompense. Le rôle de la sérotonine serait donc complémentaire de celui de la dopamine, un autre neuromodulateur, qui aide à valoriser le bénéfice attendu. Forts de ces résultats, nous souhaitons maintenant étudier si une personnalisation des traitements permettrait de mieux prendre en charge les déficits de motivation. Ainsi les patients qui ont tendance à surestimer les coûts bénéficieraient davantage de traitements ciblant la sérotonine, et les patients qui sous-estiment les bénéfices seraient au contraire améliorés par les traitements visant la dopamine.
Sources
A specific role for serotonin in overcoming effort cost. Florent Meyniel, Guy M Goodwin, JF William Deakin, Corinna Klinge, Christine MacFadyen, Holly Milligan, Emma Mullings, Mathias Pessiglione, Raphaël Gaillard