Comment parvenons-nous à « voir » des images dans nos pensées ? Si l’on vous parle du tableau Mona Lisa de Léonard de Vinci, vous pouvez surement le visualiser dans votre tête et vous souvenir du sourire énigmatique de la Joconde. Une étude récente de l’équipe de Paolo Bartolomeo, publiée dans Neuroscience & Biobehavioral Reviews, propose un nouveau modèle sur les bases cérébrales de cette capacité appelée imagerie mentale visuelle.
L’imagerie mentale visuelle
Qu’est-ce qui est d’un rouge le plus foncé entre une fraise et une cerise ? Pour répondre à cette question, nous devons visualiser ces deux fruits dans notre tête pour les comparer et ce, en l’absence de toute information visuelle puisque ni une fraise ni une cerise ne se trouvent devant nos yeux. La majorité d’entre nous est capable de générer de telles images mentales, mais les bases cérébrales à l’origine de cette capacité font débat.
La théorie dominante pour expliquer ce qu’il se passe dans notre cerveau lorsque nous créons de telles images est que nous faisons appel au même système que celui engagé pour la vraie vision : l’aire visuelle primaire située dans le cortex occipital, à l’arrière de notre cerveau. Des données viennent cependant remettre en cause ce dogme : des patients atteints d’une lésion au niveau du cortex occipital dont la vision est affectée, sont toujours capables d’imagerie mentale visuelle.
Ce cas était loin d’être unique. L’étude de nombreux patients suggérait que des lésions dans des régions visuelles de haut niveau au niveau du lobe temporale, dont le rôle est plutôt d’analyser les informations captées par le lobe occipital, étaient délétères pour l’imagerie mentale. Face à l’accumulation d’éléments qui remettaient en cause le modèle initial du rôle de l’aire visuel primaire dans l’imagerie mentale visuelle, l’équipe du Dr Paolo Bartolomeo a réanalysé 46 études réalisées sur le sujet en IRM fonctionnelle à la lumière de ces nouveaux éléments.
Ils mettent en évidence que le cortex occipital n’a aucune tendance à s’activer lors de l’imagerie mentale. Ce sont les régions fronto-pariétales qui sont plus particulièrement sollicitées, à la base de l’attention et de la mémoire de travail (qui nous permet de garder les informations à l’esprit pour les utiliser), ainsi qu’une région bien définie du gyrus fusiforme dans le lobe temporal gauche. Pour confirmer ce premier résultat, les chercheurs ont conduit une analyse bayésienne sur ces données. Cette méthode statistique permet d’affirmer que le résultat est bien négatif, ici que l’aire visuelle primaire ne s’active pas lorsque nous utilisons notre imagerie mentale visuelle.
« Face à ces résultats, nous proposons un nouveau modèle qui associent les réseaux fronto-pariétaux aux régions visuelles de haut niveau du cortex temporal ventral, centrées sur le gyrus fusiforme. Ce modèle mettrait pour la première fois d’accord les données obtenus chez les patients porteurs de lésions cérébrales et chez les sujets sains. » conclut Paolo Bartolomeo.
Ce modèle révisé de l’imagerie mentale visuelle doit à présent être vérifié par des études de neuroimagerie, basée sur l’IRM à ultra-haut-champ (7T), l’électroencéphalographie intracérébrale, et la comparaison avec des données de patients.
Sources
Spagna, Alfredo, Dounia Hajhajate, Jianghao Liu, and Paolo Bartolomeo. 2021. ‘Visual mental imagery engages the left fusiform gyrus, but not the early visual cortex: a meta-analysis of neuroimaging evidence’, Neuroscience & Biobehavioral Reviews. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2020.12.029
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0149763420307041