Une collaboration entre des chercheurs australiens (University of New South Wales et Macquarie University) et français (Institut du Cerveau) a découvert que les variations du diamètre de notre pupille révélaient l’intensité sensoriel de notre imagination mentale, comme la luminosité d’une scène imaginée. Ces résultats, publié dans ELife, apportent également la première validation physiologique de l’aphantasie, l’absence de visualisation mentale.
Fermer les yeux et visualiser dans votre tête un paysage, un tableau, un visage… cette faculté, l’imagerie visuelle ou mentale, peut paraître évidente pour nombre d’entre nous. Elle n’est pourtant pas partagée par tout le monde. On estime qu’environ 3% des individus sont aphantasiques, c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pas cette capacité de visualisation mentale.
Lorsque nous regardons un objet avec nos yeux, nos pupilles s’adaptent à celui-ci. Leur diamètre varie en fonction de la luminosité extérieure, mais des études ont montré qu’il s’adaptait aussi à l’interprétation d’une image. Ainsi, le diamètre pupillaire est plus faible pour une image en noir et blanc de plage ensoleillée que pour un clair de lune, même lorsque les deux images ont été manipulées pour avoir la même luminance : l’œil se sert du contexte pour se préparer à une plus ou moins grande luminance. D’autres études ont suggéré un lien entre imagination visuelle et diamètre pupillaire.
Pour explorer ce lien, un groupe de chercheurs australiens et français a mis en place deux séries d’expériences. Dans la première, ils ont présenté à des participants sans trouble de l’imagerie visuelle des séries de formes géométriques variant par leur complexité et leur luminance, c’est-à-dire leur intensité lumineuse. Les sujets devaient ensuite visualiser mentalement ces formes pendant 5 secondes. En parallèle, leurs pupilles étaient enregistrées grâce à deux caméras montées sur des lunettes. Dans un deuxième temps, les chercheurs ont conduit la même étude chez des patients aphantasiques, qui rapportent une capacité à visualiser des images mentales nulle ou extrêmement réduite.
Les résultats montrent que le diamètre pupillaire des sujets témoins réagit à la fois à l’effort cognitif généré par l’imagerie mentale et à la luminance de l’objet visualisé. De plus, la réaction de la pupille à la luminance était prédictive de la qualité subjective de l’image mentale rapportée par les sujets, c’est-à-dire à quel point ils considéraient l’image comme précise dans leurs pensées. Au contraire, les sujets aphantasiques montraient un plus grand diamètre pupillaire pour les formes plus complexes mais aucune modulation du diamètre par la luminance, signe qu’ils parviendraient à maintenir les images dans leur mémoire de travail mais pas sous la forme d’une image visuelle.
Sources
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35356890/
Kay L, Keogh R, Andrillon T, Pearson J.Elife. 2022 Mar 31