L’activation du système immunitaire inné, en particulier des cellules immunitaires résidentes de notre système nerveux central appelées cellules microgliales, pourrait-elle nous renseigner sur l’évolution du handicap des patients atteints de sclérose en plaques ? C’est que ce suggère les résultats d’une étude conduite par Benedetta Bodini (AP-HP/Sorbonne Université) et Emilie Poirion (Institut du Cerveau) dans l’équipe de Bruno Stankoff et Catherine Lubetzki à l’Institut du Cerveau.
S’il n’existe pas aujourd’hui de traitement curatif pour la sclérose en plaques, la prise en charge de cette maladie a beaucoup progressé au cours des dernières années. Afin de proposer à chaque patient les solutions les plus adaptées à sa maladie, il est primordial de mieux comprendre comment la maladie se développe et comment le handicap progresse.
L’équipe de Bruno Stankoff (AP-HP/Sorbonne Université) développe depuis plusieurs années, en collaboration avec le CEA (Service Hospitalier Frederic Joliot), des méthodes d’imagerie innovantes combinant la tomographie par émission de positons (TEP) et l'imagerie par résonnance magnétique (IRM) pour étudier en profondeur les mécanismes de l’atteinte du système nerveux central des patients atteints de sclérose en plaques.
La dernière étude de l’équipe, menée par Benedetta Bodini et Emilie Poirion, s’est intéressée à l’activation des cellules du système immunitaire inné dans le système nerveux central. Le système immunitaire inné est déjà connu pour son rôle dans la disparition de la myéline et l’atteinte des axones dans sclérose en plaques. Il pourrait également empêcher la réparation naturelle de la myéline qui joue un rôle essentiel dans la progression de la maladie.
Les chercheurs ont développé une nouvelle méthode pour cartographier l’activation des microglies dans la substance blanche du système nerveux central, qui contient la majorité des axones des neurones. Ils sont parvenus à reconstruire des profils individualisés d’activation des cellules immunitaires innées, et à distinguer chez les patients des lésions de la substance blanche présentant une activation persistante des microglies alors qu’elles étaient considérées comme parfaitement stables et non actives en exploration IRM standard. Ils ont ensuite confronté les cartes obtenues chez 37 patients atteints de sclérose en plaques avec l’évolution du handicap de ces personnes. Les chercheurs mettent en évidence qu’une activation des microglies autour et à l’intérieur des lésions est associée à une évolution plus sévère du handicap des patients.
L’activation des microglies au niveau des lésions constitue un biomarqueur prometteur de l’évolution du handicap des patients, qui devra être confirmé par de nouvelles études prospectives. Il représente un espoir important pour adapter au mieux le traitement des patients atteints de sclérose en plaques, évaluer de nouvelles thérapeutiques, et prévenir autant que possible l’évolution du handicap. D’un point de vue plus fondamental, cette découverte ouvre des pistes de recherche pour comprendre le rôle des microglies dans la dégénérescence des neurones dans cette maladie.
Sources
Individual mapping of innate immune cell activation is a candidate marker of patient-specific trajectories of disability worsening in Multiple Sclerosis. Bodini B, et al. J Nucl Med 2020.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32005777/?from_term=Stankoff+B.&from_so…