Une étude conduite par le groupe de Frédéric Darios et Giovanni Stevanin dans l’équipe d’Alexis Brice à l’Institut du Cerveau – ICM met en évidence le rôle délétère sur les neurones de l’accumulation de certains lipides dans la paraplégie spastique héréditaire de type 11, également connue sous le nom de sclérose latérale amyotrophique juvénile de type 5. Elle suggère également que cibler ce mécanisme pourrait constituer une piste thérapeutique intéressante dans cette pathologie. Les résultats sont publiés dans la revue Cell Reports.
La paraplégie spastique héréditaire de type 11 et ses pathologies alléliques comme la sclérose latérale amyotrophique juvénile de type 5 ou certains cas de maladie de Charcot-Marie-Tooth, sont des maladies génétiques rares touchant les motoneurones, neurones responsables de la transmission de l’information nerveuse aux muscles, causée par une mutation du gène SPG11. La pathologie est caractérisée, sur le plan clinique, par une faiblesse progressive des membres inférieurs, accompagnée de spasticité, une forme de raideur musculaire, et une perte de sensation. Des atteintes cognitives et cérébelleuses sont fréquemment associées.
A partir d’un modèle murin reproduisant la mutation la plus fréquente de SPG11 et récapitulant la majorité des symptômes présents chez les patients, une équipe de chercheurs conduite par Frédéric Darios et Giovanni Stevanin dans l’équipe d’Alexis Brice à l’Institut du Cerveau – ICM a identifié une classe de lipides particulière s’accumulant dans le cerveau : les gangliosides.
Ils ont ensuite caractérisé les processus conduisant à l’accumulation de ces lipides. Les gangliosides sont normalement recyclés et dégradés par les lysosomes, les « usines » de dégradation présentes dans les cellules. Dans le cas d’une perte de fonction du gène SPG11, le produit du gène, la spatacsine, est absent. Ceci perturbe le recyclage des membranes des lysosomes et entraine l’accumulation des gangliosides dans les cellules. Cette accumulation active ensuite des signaux qui sensibilisent les neurones aux processus de mort cellulaire. Les chercheurs montrent également l’existence d’une accumulation de gangliosides dans les lysosomes de neurones dérivés de cellules souches pluripotentes induites provenant de patients SPG11, suggérant un mécanisme conservé chez l’homme.
Suite à ce premier résultat, la deuxième étape était de savoir si bloquer cette surcharge de lipides pouvait constituer une stratégie pour prévenir la mort des neurones.
Dans cette optique, les chercheurs ont utilisé un modèle de poisson-zèbre mimant une perte de fonction du gène SPG11 et qui présente également une accumulation de gangliosides dans le cerveau. En bloquant la production de gangliosides par voie pharmacologique, les chercheurs ont réussi à prévenir leur accumulation dans les lysosomes et surtout à restaurer les capacités motrices de ces poissons. Si la molécule utilisée pour bloquer la synthèse de gangliosides chez le poisson-zèbre n’est pas applicable en thérapeutique, elle suggère cependant que cibler la synthèse des gangliosides pourrait être une piste thérapeutique intéressante.
« L’accumulation des gangliosides se retrouve dans tous nos modèles expérimentaux, suggérant que ce mécanisme est probablement conservé dans la pathologie humaine. L’ensemble de ces résultats apporte des arguments importants pour poursuivre les recherches dans cette voie qui pourrait déboucher sur des perspectives thérapeutiques intéressantes. » Frédéric Darios, chercheur Inserm à l’Institut du Cerveau – ICM.
Sources
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29949766/
Boutry M, Branchu J, Lustremant C, Pujol C, Pernelle J, Matusiak R, Seyer A, Poirel M, Chu-Van E, Pierga A, Dobrenis K, Puech JP, Caillaud C, Durr A, Brice A, Colsch B, Mochel F, El Hachimi KH, Stevanin G, Darios F. Cell Rep. 2018 Jun 26