Aller au contenu principal

Soit 34,00 après déduction fiscale de 66%

Je fais un don mensuel Je fais un don IFI
Recherche, Science & Santé

Greffe de moelle osseuse : Quel est l’impact de la chimiothérapie sur le cerveau ?

Publié le : 21/02/2022 Temps de lecture : 1 min
Cellule microgliale

Plus de 50 000 greffes de cellules souches dérivées de la moelle osseuse sont réalisées chaque année dans le monde pour traiter de nombreuses pathologies, dont des maladies du cerveau. Avant la transplantation des cellules, les patients reçoivent une chimiothérapie qui permet de détruire les cellules immunitaires et d’éviter ainsi que les cellules greffées ne soient rejetées par l’organisme. Jusqu’ici, les conséquences d’un tel traitement sur le cerveau étaient mal connues. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS et de l’Institut Pasteur[1] regroupés au sein de l’Institut du cerveau (Inserm/CNRS/Sorbonne Université) et du laboratoire « Gènes, synapses et cognition » (CNRS/Institut Pasteur) se sont intéressés à cette problématique. A partir d’un modèle animal, ils ont découvert comment la chimiothérapie pré-transplantation facilitait le remplacement des cellules immunitaires innées du cerveau, la microglie, par d’autres cellules immunitaires issues des cellules souches greffées (les macrophages). Ces résultats font l’objet d’une publication dans Nature Medicine le 21 février 2022.

De nombreuses pathologies du cerveau entraînent la démyélinisation[2] progressive du système nerveux central avec des symptômes neurologiques dévastateurs et un risque de décès prématuré (c’est le cas par exemple de la leucodystrophie). La thérapie génique visant à corriger les mutations génétiques à l'origine de la maladie directement dans les cellules souches de la moelle osseuse, et leur autogreffe ultérieure chez les patients, s’est développée ces dernières années et représente aujourd’hui un traitement de choix pour plusieurs de ces pathologies.

 

Des études cliniques ont montré que le recours à une chimiothérapie avant la transplantation des cellules souches de la moelle osseuse, à l’aide d’un agent de chimiothérapie appelé busulfan, permet une prise de greffe efficace et une tolérance de l’organisme aux cellules génétiquement modifiées. Toutefois, de nombreuses interrogations persistent encore, notamment concernant les mécanismes en jeu et l’impact de ce traitement pré-transplantation sur le cerveau des patients.

 

C’est pourquoi les scientifiques ont ici étudié les conséquences de ce traitement sur diverses populations cellulaires du cerveau, dans un modèle animal. Ils se sont notamment intéressés aux cellules microgliales, des cellules immunitaires cérébrales qui sont essentielles au maintien d'une physiologie cérébrale saine dans les états normaux et pathologiques. Ces cellules présentent une forte capacité d'auto-renouvèlement tout au long de la vie.

 

Dans leurs travaux, les scientifiques montrent qu'après une chimiothérapie par busulfan, les cellules microgliales perdent complètement cette capacité régénérative, et que nombre de ces cellules meurent par sénescence[3].

 

Toutefois, ce processus ne serait pas délétère pour le cerveau, puisqu’après la greffe, les cellules disparues sont rapidement remplacées par des cellules dérivées de la moelle osseuse (les macrophages). Les cellules microgliales éliminées à cause de la chimiothérapie par busulfan laissent en effet des niches vides dans le cerveau que les macrophages dérivés de la moelle osseuse ne tardent pas à combler. Ces macrophages adoptent alors la morphologie et le comportement de la microglie normale. De futures études viseront à déterminer si ces macrophages adoptent l’ensemble des propriétés des cellules microgliales endogènes au cerveau.

greffe de moelle osseuse

Les cellules microgliales jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du cerveau et dans la physiopathologie de nombreuses maladies neurologiques sévères, génétiques, mais aussi complexes, comme la sclérose en plaque ou la maladie d’Alzheimer. Comprendre le devenir de ces cellules après le processus de greffe est essentiel à la fois pour préciser les conséquences de la chimiothérapie et pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques   pour de graves maladies neurodégénératives

Nathalie Cartier Directrice de recherche à l’Inserm et de l’équipe NeuroGenCell à l’Institut du cerveau, et dernier coauteur de l’étude

Cette étude met pour la première fois en lumière un mécanisme expliquant comment des macrophages dérivés de cellules souches, pénètrent le cerveau après une transplantation de cellules de moelle osseuse. Cette meilleure compréhension est essentielle pour développer de nouvelles stratégies de thérapie génique et cellulaire appliquée aux maladies du système nerveux central 

Pierre-Marie Lledo Directeur de recherche au CNRS et responsable de l’unité Perception et mémoire au sein du laboratoire « Gènes, synapses et cognition » (CNRS/Institut Pasteur) et dernier coauteur de l’étude

Sources

Hematopoietic stem cell transplantation chemotherapy causes microglia senescence and peripheral macrophage engraftment in the brain. Nature Medicine, février 2022

https://www.nature.com/articles/s41591-022-01691-9

[1] Ces travaux ont été dirigés par NeuroGenCell, une équipe de l’Institut du Cerveau (Institut du Cerveau, Inserm/CNRS/Sorbonne Université) et une équipe du laboratoire « Gènes, synapses et cognition » (CNRS/Institut Pasteur).

[2] Destruction de la gaine de myéline qui entoure et protège les prolongements (axones) des neurones.

[3] La sénescence est le processus de vieillissement biologique se traduisant par un arrêt irréversible du cycle cellulaire, entrainant la mort des cellules.

D'autres actualités qui pourraient vous intéresser

Monocyte – un globule blanc qui se différencie en macrophage. Crédit : Université d’Edinbourg.
Découverte d’une anomalie liée aux macrophages dans la sclérose en plaques
Certains patients atteints de sclérose en plaques possèdent la capacité de régénérer partiellement la myéline, la gaine qui entourent les fibres nerveuses et qui est endommagée au cours de la maladie. En étudiant comment les cellules immunitaires...
08.11.2024 Recherche, Science & Santé
Interneurones. Crédit : UCLA Broad Stem Cell Research Center.
Cibler les interneurones inhibiteurs du striatum pour stopper les comportements compulsifs
Et si on pouvait résister aux compulsions ? Ces comportements irrationnels, que l’on observe notamment dans les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), sont très difficiles à réfréner. Pourtant, à l’Institut du Cerveau, l’équipe d’Éric Burguière...
09.09.2024 Recherche, Science & Santé
Les nerfs moteurs présents dans la moelle épinière se projettent vers la périphérie, où ils entrent en contact avec les muscles, formant des connexions appelées jonctions neuromusculaires. Crédit : James N. Sleigh.
Maladie de Charcot : les effets inattendus des ultrasons
Depuis une quinzaine d’années, les neurochirurgiens perfectionnent une technique fascinante : ouvrir temporairement la barrière hémato-encéphalique via des ultrasons, pour faciliter l’action de molécules thérapeutiques dans le système nerveux central...
30.08.2024 Recherche, Science & Santé
Un neurone
Syndrome de Rett : une nouvelle thérapie génique en vue
La thérapie génique pourrait constituer notre meilleure chance de traiter le syndrome de Rett, un trouble neurologique qui entraîne des déficiences intellectuelles et motrices graves. À l’Institut du Cerveau, Françoise Piguet et ses collègues ont...
11.07.2024 Recherche, Science & Santé
Lésions d’un patient à l’inclusion dans le protocole (M0) disparues après 2 ans de traitement à la Leriglitazone (M24)
Le double effet de la leriglitazone dans l'adrénoleucodystrophie liée au chromosome X (ALD-X)
En 2023, l’équipe du Professeur Fanny Mochel (AP-HP, Sorbonne Université), chercheuse à l’Institut du Cerveau montrait que la prise quotidienne de leriglitazone permettait de réduire la progression de la myélopathie des patients atteints d...
24.06.2024 Recherche, Science & Santé
Une tête de statue de l'île de Pâques sur laquelle sont posées des éléctrodes
Un meilleur pronostic de retour à la conscience des patients placés en réanimation
Lorsqu’un patient est admis en réanimation à cause d’un trouble de la conscience — un coma par exemple — établir son pronostic neurologique est une étape cruciale et souvent difficile. Pour réduire l’incertitude qui prélude à la décision médicale, un...
04.06.2024 Recherche, Science & Santé
Voir toutes nos actualités