Dans Nature Review Neurology, le Professeur Harald Hampel et le Docteur Simone Lista mettent en avant la nécessité d’affiner les critères diagnostiques du déficit cognitif léger (DCL) pour mettre en place des mesures préventives et endiguer la progression vers la démence chez les personnes à risques.
Les personnes atteintes d’un déficit cognitif léger (DCL) présentent des troubles de la mémoire, du langage, du raisonnement ou du jugement qui sont plus graves que les altérations cognitives liées au vieillissement normal. Cependant, ces altérations des capacités cognitives ne sont habituellement pas assez sérieuses pour nuire à la vie quotidienne ou à l’autonomie de la personne. Elles peuvent cependant être un signe précoce de la maladie d’Alzheimer (elles apparaissent au stade prodromique autrement dit lors de la phase annonciatrice de la maladie) et conduisent souvent, mais non nécessairement, à la démence.
La démence touche 47,5 millions de personnes dans le monde et constitue l’une des causes principales de handicap et de dépendance de la personne âgée. A ce jour, rien ne permet de la traiter efficacement. Or ses conséquences physiques, psychologiques, sociales et économiques s’avèrent catastrophiques pour les patients, les personnes chargées des soins, les familles et la société.
Les nouveaux critères proposés par un consensus international coordonné par le Professeur Bruno Dubois pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer représentent une avancée majeure pour estimer le risque de progression du DCL vers la démence. Ces critères reposent sur l’observation clinique associée à la recherche de biomarqueurs (modifications morphologiques et métaboliques dans le cerveau, présence de protéines particulières dans le liquide céphalo-rachidien).
Cependant, les critères diagnostiques spécifiques du DCL devront être affinés et harmonisés pour en établir de la même façon une définition clinico-biologique intégrant biomarqueurs et observations cliniques. Cela permettrait par la même occasion d’optimiser les critères diagnostiques pour les stades précoces de la maladie d’Alzheimer : stade préclinique asymptomatique (patients à risque de développer la maladie) et stade prodromique. L’harmonisation de ces critères permettrait notamment de mieux cibler les futurs essais thérapeutiques visant à ralentir la progression du DCL vers une démence.
En effet, le challenge consiste à prévenir l’apparition de la maladie d’Alzheimer et à développer des traitements pour la combattre avant même que ses dommages ne soient irréversibles. Un des points critiques est le développement de méthodes permettant de détecter au plus tôt les personnes à risque. En effet, les mécanismes cellulaires et moléculaires menant aux démences de type maladie d’Alzheimer se mettent en place des dizaines d’années avant l’apparition des symptômes cliniques. Cette fenêtre confère aux chercheurs une opportunité pour essayer de différer l’apparition de la maladie. De plus, l’estimation précise de la prévalence du DCL et l’identification des patients susceptibles de développer la maladie d’Alzheimer ont une importance clinique primordiale pour tester de façon fiable des traitements qui pourraient ralentir la progression vers la démence.
A l’heure actuelle, en l’absence de solution curative, la seule mesure préventive possible pour atténuer le nombre croissant de DCL et de démences est la prise en charge des facteurs de risque (diabètes, risques cardiovasculaires, dépression) le plus tôt possible, de préférence à des stades asymptomatiques. Des initiatives visant à promouvoir et à protéger la santé mentale tout au long de la vie semblent également avoir des répercussions positives.
Sources
Hampel H, Lista S. Dementia: The rising global tide of cognitive impairment. Nat Rev Neurol. 2016 Jan 18. doi: 10.1038/nrneurol.2015.250.
http://www.nature.com/nrneurol/journal/vaop/ncurrent/full/nrneurol.2015…
Le Professeur Harald Hampel est titulaire de la Chaire AXA-Sorbonne Université « Anticiper la Maladie d’Alzheimer » à la Sorbonne Universités. Il est membre de l’équipe du Professeur Bruno DUBOIS à l’IM2A et à l’Institut du Cerveau