La gestation entraîne des adaptations de comportements chez les mammifères, comme, de manière plus générale, celui de la nidification au sein du règne animal. Les mécanismes biologiques, neuraux et hormonaux sous-jacents à ces adaptations comportementales restaient jusqu’à présent très peu connus. Dans une nouvelle étude, l’équipe dirigée par Nicolas Renier (Inserm) à l’Institut du Cerveau, a découvert pour la première fois le rôle de certains neurones sensibles aux hormones au centre du cerveau, nécessaires au comportement maternel de nidification chez la souris femelle. Ces résultats publiés dans la revue Neuron.
Chez les espèces parentales, l’arrivée prochaine de nouveau-nés induit souvent un comportement de nidification. La construction du nid chez les oiseaux est peut-être le premier exemple qui nous vient en tête, mais ce comportement est aussi présent chez la plupart des mammifères, être humain compris, lors de la réorganisation de son habitat pour accueillir un futur enfant. La gestation modifie donc le fonctionnement des circuits cérébraux et les comportements de la vie de tous les jours, mais par quels mécanismes ? Les hormones sécrétées pendant la grossesse jouent-elle un rôle dans cette forme de plasticité cérébrale particulière ?
Pour répondre à ces questions, Thomas Topilko, doctorant dans l’équipe de Nicolas Renier (Inserm), et ses collaborateurs, ont utilisé la souris comme modèle d’étude. La souris femelle lorsqu’elle est gestante, prépare un nid pour protéger ses petits du froid et des prédateurs.
Grâce une technique sophistiquée, la microscopie en feuillets de lumière, permettant de cartographier de l’activité du cerveau de façon tridimensionnelle et à une échelle micrométrique, les chercheurs ont identifié, de manière inattendue, qu’une région au centre du cerveau, le noyau d’Edinger Westphal, était impliquée dans ce comportement particulier de nidification.
Cette région était connue pour contrôler le mouvement des yeux. L’équipe y a découvert une autre population de neurones, dont l’activité est modifiée par la progestérone (ndlr : une des principales hormones de la grossesse). La modification de l’activation de ces cellules particulières change la balance des comportements de la souris entre le temps accordé au sommeil et à la construction du nid. Grâce à ces neurones, les souris gestantes passent plus de temps à construire leur nid, ce qui empiète sur leur temps de sommeil.
Plus précisément, les chercheurs ont montré que ces neurones sont de purs modulateurs, c’est-à-dire que leur rôle est d’agir sur l’activité d’autres régions du cerveau, qui elles, interviendraient sur les comportements de l’animal. Le noyau d’Edinger Westphal est notamment très proche anatomiquement d’une région impliquée dans les comportements moteurs et la motivation.
Les chercheurs explorent à présent comment les différences d’organisation de ces neurones entre mâles et femelles pourraient expliquer pourquoi les souris mâles ne participent pas à la création du nid avant la naissance. Ils souhaitent également étudier comment ces neurones s’intègrent dans les autres régions centrales modulatrices du cerveau, notamment celles permettant l’exécution de comportements motivés et qui sont très sensibles aux maladies neurodégénératives et psychiatriques.
Sources
Edinger-Westphal peptidergic neurons enable maternal preparatory nesting.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35123655/
Topilko T, Diaz SL, Pacheco CM, Verny F, Rousseau CV, Kirst C, Deleuze C, Gaspar P, Renier N. Neuron. 2022 Feb 1