Certains patients atteints de sclérose en plaques possèdent la capacité de régénérer partiellement la myéline, la gaine qui entourent les fibres nerveuses et qui est endommagée au cours de la maladie. En étudiant comment les cellules immunitaires étaient capables d’influencer cette remyélinisation, des chercheurs de l’Institut du Cerveau, coordonnés par Violetta Zujovic, ont fait une découverte : chez les patients, les macrophages – des cellules immunitaires qui devraient nettoyer les débris de myéline et faciliter sa réparation – présentent un dysfonctionnement métabolique. Or, ce problème pourrait empêcher la régénération… Ces nouveaux résultats, publiés dans la revue Neurology, Neuroimmunology & Neuroinflammation, ouvrent la voie à une meilleure connaissance des capacités de récupération des patients.
La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire dans laquelle les cellules immunitaires envahissent le système nerveux central et détruisent un élément essentiel de la conduction de l’influx nerveux : la myéline. Mais dans certaines conditions, une partie de ces cellules – les macrophages – peuvent inverser le processus en contribuant à la régénération de la myéline, ou remyélinisation.
« En clinique, on observe que certains patients ont des capacités de remyélinisation importantes, et d’autres pas du tout. Nous nous sommes donc demandé dans quelle mesure ces tendances étaient liées aux caractéristiques des macrophages, et à leur réponse aux signaux présents dans leur environnement », explique Violetta Zujovic (Inserm), cheffe de l’équipe « Plasticité et régénération de la myéline » à l’Institut du Cerveau et coordinatrice de l’étude.
Pour étudier le comportement des macrophages, les chercheurs ont recruté 47 patients avec une sclérose en plaques et 46 contrôles sains, chez qui ils ont prélevé des monocytes, un type de globules blancs encore indifférenciés, tout juste sortis de la moelle osseuse. « Ces cellules sont dites ‘naïves’, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas été influencées par la maladie. Elles offrent donc des conditions idéales pour étudier leur évolution dans un environnement strictement contrôlé, » poursuit la chercheuse.
Inflammation ou régénération ?
Les chercheurs ont ensuite soumis les monocytes à de signaux qu’ils sont susceptibles de rencontrer dans l’environnement cérébral. Le but ? Qu’il se différencient en macrophages et assurent les fonctions qu’ils ont normalement dans le cerveau. Ce dispositif permet notamment d’observer comment les cellules immunitaires allument ou éteignent des gènes pro-inflammatoires ou pro-régénératifs.
Or, les résultats de l’étude montrent une différence importante dans le comportement des monocytes des patients avec une sclérose en plaques, par rapport aux contrôles.
Tout d’abord, les cellules immunitaires des patients ont montré une réponse inflammatoire augmentée. Elles éliminaient moins bien les déchets de la myéline, qui est la première étape pour qu’elle puisse activer la réparation ; enfin, elles ne parvenaient pas à induire efficacement la différentiation d’un certain type de cellules, les précurseurs des oligodendrocytes, en cellules capables de produire une nouvelle gaine de myéline.
« Finalement, quels que soit les signaux que nous donnions aux cellules immunitaires des patients – y compris des signaux leur indiquant d’activer la régénération ! – elles exprimaient des protéines pro-inflammatoires », précise Violetta Zujovic. « Nous en connaissons maintenant la cause : les macrophages des patients présentent une anomalie de leur métabolisme. Ils ne parviennent pas à utiliser correctement leurs mitochondries, ces petites usines microscopiques qui fournissent l’énergie à la cellule. »
Le rôle de l’histoire immunitaire
Cette découverte sur la réponse inflammatoire exagérée et le métabolisme défaillant des macrophages chez les patients est importante pour éclairer les mécanismes de la sclérose en plaques. En effet, ces défauts pourraient être issus d’un événement précis dans leur histoire immunitaire : l’exposition à un virus, par exemple.
Cette hypothèse est cohérente avec une théorie actuelle, selon laquelle la maladie trouverait son origine dans la combinaison entre une infection – au virus Epstein-Barr notamment – et un terrain génétique favorable. Dans ce contexte, les cellules immunitaires, marquée par la rencontre passée avec un ou plusieurs virus, répondraient de manière inappropriée aux signaux qui leur sont présentés, provoquant une inflammation chronique
De nouvelles pistes de recherche à l’horizon
La prochaine étape sera d’examiner quelle combinaison exacte d’événements prélude au développement de la maladie.
L’utilisation des outils d’imagerie médicale, en particulier le PET-IRM, permettra également d’analyser le profil des patients de manière personnalisée, afin de comprendre si le dysfonctionnement des cellules immunitaires est corrélé à la progression des lésions de la myéline dans le temps, et à l’évolution du handicap.
À terme, cette méthode d’investigation pourrait être étendue à d’autres pathologies neurologiques, comme la maladie d’Alzheimer, dans laquelle on observe une accumulation de plaques dites amyloïdes dans le cerveau. Là encore, ce sont les macrophages qui nettoient ces plaques… de manière plus ou moins efficace. Une nouvelle énigme à résoudre.
FINANCEMENT
Cette étude a été financée par la fondation OCIRP, le prix Bouvet-Labruyère, le programme Sanofi Innovation Awards, et le programme Investissements d’avenir de l’Agence Nationale de la Recherche.
Sources
Fransson, J., et al. Multiple sclerosis patient macrophages impaired metabolism leads to an altered response to activation stimuli. Neurology, Neuroimmunology & Neuroinflammation, Octobre 2024.
DOI : 10.1212/NXI.0000000000200312.
L’équipe Plasticité et régénération de la myéline a pour objectif de mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent la plasticité et la régénération de la myéline.
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