Aller au contenu principal

Soit 34,00 après déduction fiscale de 66%

Je fais un don mensuel Je fais un don IFI
Recherche, Science & Santé

Covid-19 : comment le confinement a modifié notre créativité

Publié le : 10/05/2022 Temps de lecture : 1 min
confinement et créativité

La Covid-19 nous a pris par surprise et la situation exceptionnelle du premier confinement a nécessité de grandes capacités d’adaptation, en particulier pour notre cerveau. Une étude menée à l’Institut du Cerveau (Inserm/CNRS/Sorbonne Université/AP-HP) vient de révéler comment notre créativité a évolué pendant cette période et les facteurs qui ont pu l’influencer. Ainsi, malgré le confinement, notre créativité s’est trouvée augmenté, et portait sur des activités principalement liées aux problématiques de la situation.

La créativité est l’une des fonctions cognitives qui nous permet d’être flexible face à un nouvel environnement et de trouver des solutions dans des situations inédites. Les conditions inhabituelles du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19 nous ont obligés à repenser nos habitudes, nous ont imposé de nouvelles contraintes, et nous ont forcés à nous adapter… en somme à faire preuve de créativité.

Un groupe de chercheuses et de chercheurs du Frontlab à l’Institut du Cerveau ont mené une enquête en ligne afin d’évaluer l’impact du confinement sur la créativité, à l’aide d’un questionnaire en deux parties. La première portait sur des questions visant à comprendre la situation dans laquelle se trouvaient les participants en mars-avril 2020 (Étiez-vous confiné.e.s seul ou plusieurs ? Avez-vous eu plus de travail ou de temps libre qu’auparavant ?), leurs états mentaux à cette période (Vous êtes-vous senti plus motivé.e ? Avez-vous ressenti une baisse ou une augmentation de votre humeur ou de votre stress ?) et finalement, s’ils s’étaient sentis plus ou moins créatifs qu’avant. La seconde partie interrogeait les participants sur les activités créatives menées pendant le confinement, leur fréquence, leur domaine, leur degré d’aboutissement et de valorisation, et les raisons ayant motivé ou empêché ces activités. Les chercheurs ont recueilli près de 400 réponses analysables.

 

Éprouvés mais plus créatifs

« Notre première observation est que le confinement a été éprouvant psychologiquement pour la majorité des participants, ce que d’autres études ont pu montrer, mais qu’en moyenne ces derniers s’étaient sentis plus créatifs ». « En corrélant les deux informations, nous avons mis en évidence que mieux les personnes se sentaient, plus elles pensaient avoir été créatives. »

Théophile Bieth (AP-HP) Co-premier auteur de l’étude

En revanche, lorsque les chercheurs ont posé la question du nombre d’obstacles que les répondants avaient rencontrés, ils ont observé une relation non linéaire. Que les changements de créativité aient été positifs ou négatifs, les participants ont eu l’impression d’avoir rencontré beaucoup d’obstacles. En effet, de nombreuses personnes ont rencontré des obstacles dans leurs activités habituelles, ce qui les a forcées à être créatives pour les accomplir, et inversement, certains individus ont eu le sentiment de ne pas avoir été créatifs, car ils ont affronté trop de problèmes pour pouvoir l’être.

Davantage d’activités créatives en lien avec les problématiques de la situation


La seconde partie du questionnaire était composée d’une liste de 30 activités différentes, pour la plupart faisant partie des standards internationaux utilisés en recherche sur la créativité (Inventory Creativty Activities and Achivements). Parmi elles, on retrouve par exemple la cuisine, la peinture, la couture, le jardinage, la décoration ou encore la musique. Les participants devaient préciser s’ils avaient pris part à ces activités dans les cinq années passées, si leur pratique avait augmenté pendant le confinement, pourquoi et à quelle fréquence, et si non, pourquoi elle avait diminué.

« Cette section du questionnaire essayait de mesurer plus objectivement les changements quantitatifs et qualitatifs de comportement créatif, alors que la première partie se fondait sur un rapport subjectif de la situation ». « Nos résultats montrent que cette mesure du comportement créatif est en accord avec la mesure du changement subjectif rapporté par les sujets. Dans les deux cas, les changements observés étaient liés au temps libre et au ressenti émotionnel. »

Emmanuelle Volle (Inserm) Dernière auteure de l’étude

Les cinq activités en plus forte augmentation pendant le confinement étaient la cuisine, les programmes sportifs et de danse, les initiatives d’entraide et le jardinage. En moyenne, parmi les 28 activités investiguées, incluant aussi par exemple l’aménagement intérieur, la couture, la création ou le détournement d’objets, environ 40% de celles déjà pratiquées lors des cinq années précédant le confinement ont vu leur pratique augmenter.

QUEL.LE. CONFINÉ.E CRÉATIF.VE AVEZ-VOUS ÉTÉ ?

Une corrélation positive entre l’humeur et la créativité


Les résultats de cette étude soulignent une augmentation globale de la créativité au cours du premier confinement. Ce changement positif pouvait être lié à plus de temps libre, à se sentir plus motivé, à la nécessité de résoudre un problème, ou à la nécessité de nous adapter à une situation inédite. Cependant, lorsque des changements négatifs dans la créativité ont été ressentis, ils étaient liés à des émotions négatives, comme du stress ou de l’anxiété, un sentiment de pression ou bien à un manque de ressources matérielles ou d’opportunités.

La corrélation entre l’humeur positive et la créativité est assez débattue.

« Certaines données de la littérature scientifique montrent qu’il faut se sentir bien pour être créatif, alors que d’autres établissent l’inverse. De même, on ne sait pas dans quel sens s’opère ce processus : Est-ce que nous nous sentons bien parce que nous sommes créatifs ou est-ce que le fait d’être créatif nous rend plus heureux ? Ici, une de nos analyses suggère que l’expression créative a permis aux individus de mieux gérer leurs émotions négatives liées au confinement et donc de mieux se sentir pendant cette période difficile. »

Alizée Lopez-Persem (Inserm), co-première autrice de l’étude

Sources

Lopez-Persem A., Bieth T., et al. Through Thick and Thin: Changes in Creativity During the First Lockdown of the COVID-19 Pandemic. Frontiers in Psychology. May 10 2022. DOI : 10.3389/fpsyg.2022.821550

Coupes de cerveau
Equipe
Frontlab : le cortex préfrontal au centre des fonctions cognitives supérieures : de la santé à la maladie

Le but de l'équipe Frontlab est de mieux comprendre le rôle et l'organisation du cortex préfrontal dans le contrôle, l'activation et l'inhibition des comportements volontaires dirigés vers un but.

En savoir plus

D'autres actualités qui pourraient vous intéresser

Interneurones. Crédit : UCLA Broad Stem Cell Research Center.
Cibler les interneurones inhibiteurs du striatum pour stopper les comportements compulsifs
Et si on pouvait résister aux compulsions ? Ces comportements irrationnels, que l’on observe notamment dans les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), sont très difficiles à réfréner. Pourtant, à l’Institut du Cerveau, l’équipe d’Éric Burguière...
09.09.2024 Recherche, Science & Santé
Les nerfs moteurs présents dans la moelle épinière se projettent vers la périphérie, où ils entrent en contact avec les muscles, formant des connexions appelées jonctions neuromusculaires. Crédit : James N. Sleigh.
Maladie de Charcot : les effets inattendus des ultrasons
Depuis une quinzaine d’années, les neurochirurgiens perfectionnent une technique fascinante : ouvrir temporairement la barrière hémato-encéphalique via des ultrasons, pour faciliter l’action de molécules thérapeutiques dans le système nerveux central...
30.08.2024 Recherche, Science & Santé
Un neurone
Syndrome de Rett : une nouvelle thérapie génique en vue
La thérapie génique pourrait constituer notre meilleure chance de traiter le syndrome de Rett, un trouble neurologique qui entraîne des déficiences intellectuelles et motrices graves. À l’Institut du Cerveau, Françoise Piguet et ses collègues ont...
11.07.2024 Recherche, Science & Santé
Lésions d’un patient à l’inclusion dans le protocole (M0) disparues après 2 ans de traitement à la Leriglitazone (M24)
Le double effet de la leriglitazone dans l'adrénoleucodystrophie liée au chromosome X (ALD-X)
En 2023, l’équipe du Professeur Fanny Mochel (AP-HP, Sorbonne Université), chercheuse à l’Institut du Cerveau montrait que la prise quotidienne de leriglitazone permettait de réduire la progression de la myélopathie des patients atteints d...
24.06.2024 Recherche, Science & Santé
Une tête de statue de l'île de Pâques sur laquelle sont posées des éléctrodes
Un meilleur pronostic de retour à la conscience des patients placés en réanimation
Lorsqu’un patient est admis en réanimation à cause d’un trouble de la conscience — un coma par exemple — établir son pronostic neurologique est une étape cruciale et souvent difficile. Pour réduire l’incertitude qui prélude à la décision médicale, un...
04.06.2024 Recherche, Science & Santé
Population de bactéries commensales (en rouge) dans un intestin grêle de souris. Crédit : University of Chicago
La composition du microbiote intestinal pourrait influencer nos prises de décision
La façon dont nous prenons des décisions dans un contexte social peut être expliquée par des facteurs psychologiques, sociaux, et politiques. Et si d’autres forces étaient à l’œuvre ? Hilke Plassmann et ses collègues de l’Institut du Cerveau et de l...
16.05.2024 Recherche, Science & Santé
Voir toutes nos actualités