Dans un travail publié dans le numéro de septembre 2014 de la revue scientifique Cortex (numéro 58), le Professeur Gianfranco Dalla Barba de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière – Institut du Cerveau – ICM – et ses collaborateurs ont démontré que les “confabulateurs prennent la multiplicité pour de l’unique”, autrement dit que leur mémoire des faits uniques passés est remplacée par celle des événements routiniers. Par des méthodes expérimentales impliquant un test de mémoire de reconnaissance, les chercheurs ont pour la première fois confirmé ce phénomène, jusque-là connu et décrit sur le plan clinique. Ces travaux représentent une grande avancée dans le diagnostic de la confabulation et dans sa distinction d’autres troubles de la mémoire chez les patients souffrant d’amnésie organique.
La confabulation accompagne certaines formes d’amnésie organique – conséquence de lésions cérébrales (maladie neurologique, traumatisme crânien, tumeurs, épisode anoxique ou ischémique…), à la différence d’autres types d’amnésies d’origine psychogènes (stress, dépression…). Distorsion de la mémoire généralement confondue avec la mythomanie (variété d’imagination pathologique accompagnée de mensonges à répétition et avec une conscience partielle du trouble), la confabulation désigne le récit imaginaire auquel un sujet croit plus ou moins totalement.
Après ses travaux réalisés sur l’hippocampe et l’implication de cette région du cerveau dans la mémoire temporelle – notion de passé, de présent et de futur personnel (L’hippocampe, une machine du temps qui fait des erreurs) – le groupe du Pr Dalla Barba (Institut du Cerveau – ICM et Département des sciences de la vie à l’université Degli Studi di Trieste – Italie) et ses collaborateurs (IM2A – Pitié-Salpêtrière, Centro Medico di Foniatria à Padoue – Italie) vont plus loin dans leur compréhension des mystères de la mémoire sur le plan cognitif.
D’après les récents résultats publiés dans Cortex, les confabulateurs rapportent les évènements de routine et les habitudes (événements multiples, répétés) comme des évènements uniques (évènements spécifiques et uniques du passé), perdant vraisemblablement la capacité de discriminer entre les deux. Cet état pathologique dramatique observé chez les confabulateurs est la conséquence de la perturbation de mécanismes biologiques fondamentaux permettant l’organisation et la distinction entre les évènements, la connaissance et l’information.
Serra et al., Cortex, 2014 – Conception du test “Multiple-Unique” de mémoire de reconnaissance. Le test consiste en une tache d’encodage (Encoding) avec le passage d’une série d’images soumises 4 fois aux participants, suivie d’une tâche de reconnaissance ultérieure (Recognition) ; entre les deux, les participants effectuent une tâche d’interférence (interfering task). La phase d’encodage inclue 24 items (4 items qui apparaissent 1 fois, 4 items qui apparaissent 4 fois chacun et 4 éléments de la mémoire tampon); pendant cette phase les participants effectuent un jugement “vivant / non vivant”. Au cours de la phase de reconnaissance, les images précédemment présentées apparaissent en un exemplaire en même temps qu’un nombre équivalent de nouvelles images. Pour chaque item trois réponses différentes sont possibles : vu une fois, vu plusieurs fois, jamais vu. Les participants souffrant de confabulation disent avoir vu une seule fois des items qui ont été présentés plusieurs fois. © © Cortex – ELSEVIER
Crédit photo Hippocampe gauche en bleu sur une vue médiale oblique de cerveau © Inserm/CEA/Houenou, Josselin
Sources
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001094521400197X – Serra et al., Cortex – Volume 58, September 2014.
https://www.sciencedirect.com/browse/journals-and-books - ELSEVIER : When true memories are replaced by habits