Le cerveau possède des milliards de neurones et son fonctionnement dépend de la façon dont ils communiquent entre eux. Comment caractériser ce réseau complexe de connexions dont la compréhension est fondamentale pour appréhender de nombreuses pathologies ? Grâce à une théorie mathématique, la théorie des graphes, répondent Fabrizio De Vico Fallani et Mario Chavez, respectivement chercheurs INRIA et CNRS à l’Institut du Cerveau – ICM dans l’équipe ARAMIS. Ces deux scientifiques viennent de développer un nouvel outil pour analyser et modéliser les réseaux complexes du cerveau. Cette méthode appelée ECO permettrait, à terme, de mieux quantifier les effets des maladies neurologiques et des désordres mentaux sur l’organisation structurale et fonctionnelle du cerveau.
En neuroscience, les réseaux d’interactions complexes du cerveau sont estimées à partir de données biologiques expérimentales, notamment des données d’imagerie obtenues par IRM, MEG ou encore EEG. Comment établir au mieux l’organisation de ce système et décrire de façon simple ce réseau complexe du cerveau ?
Pour répondre à ces questions, Fabrizio De Vico Fallani et Mario Chavez ont développé un outil mathématique qui permet de caractériser les connexions cérébrales. « Tous les systèmes biologiques tentent d’optimiser l’efficacité de leurs connexions tout en considérant le coût de leur mise en place, ils doivent donc trouver un compromis entre l’efficacité des connexions établies et l’énergie dépensée pour les mettre en place », explique Fabrizio De Vico Fallani. La méthode développée par les chercheurs, appelée ECO, est basée sur l’optimisation des propriétés fondamentales des systèmes complexes, telle que le compromis entre l’efficacité de ces connexions et leur coût. « Quand ces deux critères sont maximisés, on arrive à obtenir une représentation optimale des systèmes biologiques, à obtenir un réseau de connectivité qui représente bien l’organisation du système étudié, en l’occurrence le cerveau. »
Les interactions entre toutes les régions du cerveau ne sont pas connues et peuvent seulement être estimées, il est donc nécessaire de développer des méthodes pour déterminer les connexions les plus pertinentes. « Notre méthode vise à répondre à une question très précise à laquelle il n’y avait pas de réponse jusqu’à maintenant : quel est le nombre de liens qu’il faut considérer pour avoir une représentation synthétique d’un système biologique connecté, ici le cerveau ? Nous avons obtenu une loi mathématique qui nous dit quel est le nombre optimal de liens que l’on doit considérer quand on veut analyser un système connecté biologique comme le cerveau. » Ce nombre optimal de connexions dépend du nombre de « nœuds » du système, les nœuds correspondant à des zones du cerveau qui communiquent entre elles. « Ainsi, nous obtenons une représentation compacte du système biologique qui permet d’analyser les conséquences d’un dysfonctionnement de façon plus efficace et plus rapide.»
En comparant, via différentes méthodes d’analyse (EEG, IRM, MEG..) des sujets sains et des sujets malades, (AVC, coma ou d’épilepsie) les chercheurs ont mis en évidence que leurs cerveaux présentent des différences au niveau de l’organisation spatiale, ou topologique, des connexions. « Pour qu’un système fonctionne correctement, il ne doit être ni trop, ni pas assez connecté. Ce qui est important pour le fonctionnement optimal du cerveau, ce n’est pas le nombre de connexions mais la façon dont elles sont distribuées. La maladie a des effets disruptifs sur l’organisation des réseaux soit en augmentant le nombre de connexions entre les régions spatialement distantes, soit en le réduisant de façon excessive. »
Cette méthode permet d’évaluer les différentes propriétés du réseau cérébral et d’améliorer l’analyse et la caractérisation des réseaux du cerveau chez des sujets sains ou malades.
Les applications de cet outil sont nombreuses, il permettrait de quantifier les effets des désordres mentaux et des maladies neurologiques sur l’organisation structurale et fonctionnelle du cerveau. Il pourrait également être utilisé pour analyser des réseaux biologiques construits à partir de données expérimentales et identifier les biomarqueurs impliqués dans les différentes maladies neurologiques.
Cette recherche a été sélectionnée pour la couverture du Plos Computational Biology de Janvier 2017.