La trisomie 21 est la première cause génétique de déficiences intellectuelles et, actuellement, la rééducation cognitive est la seule approche thérapeutique proposée aux patients. Un essai clinique de phase II conduit par une équipe internationale impliquant des chercheurs de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière et de l’Université Paris Diderot, met en évidence, pour la première fois, que l’épigallocatéchine gallate, un composé naturel présent en grande quantité dans le thé vert, améliore de manière significative les capacités cognitives des patients. Cette amélioration, qui perdure six mois après l’arrêt du traitement, s’accompagne du rétablissement de la connectivité entre certaines régions cérébrales. Ces résultats, publiés dans la revue Lancet Neurology, ouvrent une nouvelle voie thérapeutique pour le traitement des déficiences intellectuelles associées à la trisomie 21.
En France, 60 000 personnes sont touchées par la trisomie 21 et un enfant sur 1400 naît avec cette pathologie (1/700 avant le diagnostic prénatal).La trisomie 21 se traduit, entre autres, par une déficience intellectuelle et des déficits d’apprentissage et de mémoire qui varient en fonction des individus. Pour améliorer la vie des patients, la rééducation cognitive est la seule approche proposée mais ses actions sont limitées. Cette anomalie chromosomique est définie par la présence d’un troisième exemplaire, en totalité ou en partie, du chromosome 21, ce qui induit la surexpression de nombreux gènes portés par ce chromosome, notamment Dyrk1A, une kinase dont les erreurs de dosage génique sont impliquées dans la déficience intellectuelle observée dans la trisomie (3 copies) et dans le syndrome MRD7 (1 copie).
Dans une étude antérieure publiée en 2009, les chercheurs avaient montré, dans un modèle expérimental de trisomie, qu’un principe actif présent dans le thé vert, l’épigallocatéchine gallate ou EGCG, inhibe l’activité de la protéine DYRK1A : des animaux traités dès la gestation montraient des modifications morphologiques et cognitives avec le rétablissement de performances normales lors du test de reconnaissance d’un nouvel objet. Cette découverte a ensuite été exploitée pour mettre en place une étude clinique pilote réalisée chez 30 patients adultes jeunes, atteints de trisomie 21. Cette étude a montré une amélioration de l’apprentissage chez les patients traités.
A la suite de ces résultats très encourageants, les chercheurs et cliniciens ont conduit une étude clinique de phase 2, randomisée avec placebo, pour tester l’efficacité de ce composé naturel chez 84 patients (jeunes adultes) atteints de trisomie 21. Les chercheurs ont comparé l’efficacité de l’apprentissage cognitif grâce à différents tests, mémorisation, langage, apprentissage …, avec ou sans prise de traitement pendant 12 mois.
Les résultats de cette étude montrent que les patients traités réalisent de meilleures performances cognitives que ceux qui reçoivent le placebo. Le traitement à base d’EGCG couplé à une stimulation cognitive quotidienne (réalisée aussi dans le groupe avec placebo) a un effet bénéfique sur les troubles de la mémoire et les déficits de la fonction exécutive (processus cérébraux mis en place pour organiser et résoudre les problèmes) chez le jeune adulte atteint du syndrome de Down. De plus, la performance observée chez les patients traités perdure 6 mois après l’arrêt du traitement.
Chez les patients atteints de trisomie 21, la connectivité fonctionnelle entre certaines régions cérébrales est altérée. Grâce à des études d’imagerie, les chercheurs ont mis en évidence une augmentation de cette connectivité chez les patients traités, plus marquée dans les aires frontales et le cervelet. Le traitement s’accompagne aussi de la normalisation de l’excitabilité corticale.
Cette étude est la première à montrer l’efficacité d’un composé, ciblant la neuroplasticité, aussi bien sur les capacités cognitives que sur l’amélioration de la connectivité cérébrale chez des patients atteints de trisomie 21. Les performances observées persistent même après l’arrêt du traitement. Améliorer la vie des patients atteints de trisomie 21 serait donc possible grâce à ce composé naturel. Les chercheurs souhaitent désormais débuter des essais chez des enfants et réaliser un essai clinique de phase 3 pour l’utilisation de ce composé extrait du thé vert comme traitement des déficits intellectuels dans la trisomie 21.
Sources
https://www.thelancet.com/journals/laneur/article/PIIS1474-4422(16)3003…
Rafael de la Torre, Susana de Sola, Magí Farré, Jesus Pujol, Joan Rodriguez, Josep María Espadaler, Klaus Langohr, Aida Cuenca-Royo, Alessandro Principe, Laura Xicota, Nathalie Janel, Silvina Catuara-Solarz, Gimena Hernandez, Gonzalo Sanchez-Benavides, Henri Bléhaut, Iván Dueñas, Laura del Hoyo, Bessy Benejam, Laura Blanco, Sebastiá Videla, Montserrat Fitó, Jean Maurice Delabar, Mara Dierssen. The Lancet Neurology.