Une étude conduite par Stéphane Charpier à l’Institut du Cerveau – ICM montre pour la première fois que dans certains cas de comas extrêmement profonds associés un électroencéphalogramme plat, c’est-à-dire sans aucune activité électrique spontanée du cerveau, et à une disparition totale de la conscience, les neurones et leurs réseaux sont fonctionnels et peuvent traiter des informations venant de l’extérieur.
Jusqu’à présent, un électroencéphalogramme (EEG) plat était synonyme d’un cerveau éteint d’un point de vue fonctionnel, c’est-à-dire à la fois privé d’activité endogène et incapable de traiter des informations issues de l’environnement. Cette hypothèse était compatible avec l’observation des patients présentant un EEG plat, dans un coma dit « isoélectrique », qui ne présentaient aucun signe de conscience et n’étaient pas capables de répondre de manière pertinente à diverses stimulations sensorielles, comme des sons, des flashs de lumière ou un contact physique.
Ces comas associés à un EEG plat peuvent avoir des origines multiples comme des traumatismes cérébraux, une hypothermie avancée, une privation de l’apport en oxygène au cerveau sur une longue durée, ou une intoxication médicamenteuse. Ce type de coma peut également être induit dans un contexte thérapeutique pour traiter certaines crises d’épilepsie persistantes. Lorsque les crises d’épilepsie durent trop longtemps, aussi appelées « état de mal », elles peuvent conduire à la mort des neurones voire du patient si la crise n’est pas stopper à temps. Une des solutions, si les traitements antiépileptiques ne fonctionnent pas, est donc de plonger les patients dans un coma artificiel, qui arrête l’activité électrique spontanée du cerveau, induisant donc un EEG isoélectrique.
Une étude conduite par l’équipe de Stéphane Charpier à l’Institut du Cerveau – ICM, en collaboration avec l’unité de réanimation neurologique a consisté dans un premier temps à examiner l’activité cérébrale des patients plongés dans un coma isoélectrique après différents types de stimulations, sonores (claquement de porte), lumineuses (lampe de poche au niveau de la pupille) et tactiles. Les chercheurs et les cliniciens ont observé des réponses électriques, très reproductibles, à ces stimulations survenant sur un EEG plat, démontrant ainsi que le cerveau de ces patients étaient capables d’intégrer les stimuli, sans pour autant déclencher une réaction comportementale.
D’autre part, les chercheurs ont exploré les mécanismes de réponse des neurones individuels chez le rat plongé dans un coma isoélectrique reproduisant celui des patients. Ils ont mis en évidence que les neurones répondaient à des stimulations électriques directes, conservaient leur excitabilité et étaient capables de répondre aux stimulations sensorielles via un fonctionnement normal des synapses. Ainsi dans cet état de coma, les neurones conservent leurs propriétés propres et les circuits sensoriels, de la périphérie au cortex cérébral, restent intacts d’un point de vue fonctionnel.
Les neurones seraient donc dans un état silencieux ou dormant, le cerveau restant structurellement intact, les neurones et les connexions synaptiques étant en place et fonctionnels, capables d’être à nouveau mis en jeu par des stimulations directes ou issues de l’environnement.
La seule différence entre le cerveau d’une personne en état de coma isoélectrique et un cerveau sain est que ce dernier est spontanément actif, c’est-à-dire qu’il génère une activité électrique de base nécessaire à la conscience et aux interactions avec l’environnement. Lors d’une stimulation sensorielle, quand une personne nous parle par exemple, l’activité générée par ce stimulus va se greffer sur l’activité de base qui par ailleurs soutient un état de vigilance et de conscience. Sans cette activité de fond, il n’y ni état de conscience ni perception consciente.
Sources
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29050394/
Altwegg-Boussac T, Schramm AE, Ballestero J, Grosselin F, Chavez M, Lecas S, Baulac M, Naccache L, Demeret S, Navarro V, Mahon S, Charpier S. Brain. 2017 Sep 1;140(9):2381-2398. doi: 10.1093/brain/awx175.