Le groupe de Jean-Léon Thomas (Inserm, Institut du Cerveau) vient de publier une cartographie 3D du réseau lymphatique méningé et du drainage du liquide cérébrospinal (LCS) associé, à la fois chez la souris et chez l’homme. Au-delà de la mise en évidence de structures très conservées entre les deux espèces, la technique d’imagerie développée pour l’étude chez l’humain pourrait s’avérer précieuse pour le diagnostic de patients atteints de certaines maladies neurologiques ou de défaut du drainage du LCS. Les résultats sont publiés dans The Journal of Experimental Medicine.
Les vaisseaux lymphatiques méningés sont nécessaires à la communication neuro-immune et à l'évacuation des déchets du cerveau
Le système lymphatique est un ensemble de vaisseaux, complémentaire au système sanguin, permettant l’évacuation des déchets et la surveillance immunitaire dans les organes et les tissus. Il y a quelques années, la démonstration a été faite que ce réseau lymphatique était aussi présent à la bordure du système nerveux central, au niveau des méninges – les enveloppes protectrices du cerveau et de la moelle épinière. Le lien anatomique des vaisseaux lymphatiques méningés avec les ganglions lymphatiques du cou et le système immunitaire périphérique en font des acteurs clés du contrôle de l’immunité du cerveau. Les vaisseaux lymphatiques méningés sont également importants pour l’évacuation des déchets du cerveau, en participant à la clairance du liquide interstitiel et des protéines solubles, ainsi qu’au drainage du LCS – le fluide dans lequel baigne le cerveau.
Le système lymphatique méningé est affecté dans de nombreux modèles murins de pathologies neurologiques comme la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques, les traumatismes crâniens ou encore les accidents vasculaires cérébraux. « Du fait de son implication dans de nombreuses maladies, ce système lymphatique méningé a suscité beaucoup d’intérêt comme cible thérapeutique » explique Laurent Jacob, le premier auteur de l’étude. « Cependant l’anatomie de ces vaisseaux, les connexions précises qu’ils établissent avec le système lymphatique général et le drainage des fluides qui s’y opère, n’ont jamais été explorés en volume et en préservant l’intégrité de la tête entière, aussi bien chez la souris que chez l’homme. »
Une cartographie 3D inédite des réseaux lymphatiques méningés chez la souris et l'humain
Afin d’en apprendre plus sur l’architecture et le fonctionnement du réseau lymphatique méningé, les chercheurs et cliniciens de l’Institut du Cerveau ont mis au point une carte 3D de ce système. Pour visualiser la paroi des vaisseaux lymphatiques, ils ont employé deux techniques de pointe : la microscopie de fluorescence à feuillets de lumière réalisée post-mortem chez la souris, et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec un agent de contraste effectuée en temps réel chez l’homme. En combinant ces approches, les auteurs ont reconstitué l’intégralité du réseau de drainage lymphatique du LCS.
Une architecture très conservée entre la souris et l'humain
Cette cartographie tridimensionnelle montre que l’architecture des circuits lymphatiques entourant le cerveau et se connectant aux ganglions lymphatiques cervicaux est très similaire entre les deux espèces. Le modèle murin parait donc bien pertinent pour la réalisation d’études précliniques destinées à l’homme et ciblant les lymphatiques méningés. L’imagerie 3D a également mis en évidence que les lymphatiques méningés sont en relation anatomique étroite avec les sinus veineux de la dure-mère – collecteurs du sang veineux cérébral- et qu’ils assurent le transport des macromolécules du LCS, et probablement celles dérivées du cerveau, via des cellules phagocytaires très abondantes au niveau des espaces péri-sinusaires. L’étude a ainsi révélé l’existence d’un nouveau lit vasculaire lymphatique autour du sinus caverneux, dans la partie antérieure de la base du crâne. Reste maintenant à comprendre comment les antigènes cérébraux accèdent aux sites de recapture lymphatique situés dans les méninges, et à découvrir les mécanismes régulant les interactions lymphatiques-phagocytes et le transport macromoléculaire vers le système immunitaire périphérique.
Le dimorphisme sexuel du réseau lymphatique méningé
L’IRM quantitative, initiée et réalisée par Stéphanie Lenck chez une dizaine de patients affectés par différentes pathologies méningo-vasculaires ou neuro-immunes a révélé un volume lymphatique méningé significativement supérieur chez l’homme par rapport à la femme. Les recherches à venir devront explorer si cette donnée anatomique est en relation causale avec la plus grande prédisposition des femmes à développer des maladies neurologiques telles que la sclérose en plaques, les méningiomes ou encore l’hypertension intracrânienne.
Sources
Conserved meningeal lymphatic drainage circuits in mice and humans. Jacob L. et al, Journal of Experimental Medicine. 2022
doi: a venir