Une équipe de recherche de l’Institut du Cerveau co-dirigée par le Pr Bruno Stankoff vient d’identifier un nouveau biomarqueur d’imagerie de la sclérose en plaques qui pourrait permettre à terme d’identifier les patients à risque de développer la maladie avant même l’apparition des premiers symptômes.
Maladie auto-immune du système nerveux central, la sclérose en plaques (SEP) touche 120 000 personnes en France et se déclare en moyenne vers 32 ans. Baisse de la vision, fourmillements, faiblesse musculaire, troubles de la coordination et de l’équilibre, les symptômes sont très invalidants et ont des conséquences profondes sur la qualité de vie des patients. A l’heure actuelle, seuls des médicaments immunomodulateurs ou immunosuppresseurs, c’est-à-dire capables de limiter la réaction inflammatoire observée dans le cerveau et la moelle épinière mais qui n’ont que peu d’effets sur l’évolution de la maladie sont disponibles.
L’objectif de la recherche est donc de diagnostiquer la maladie à un stade présymptomatique, alors qu’elle est encore cliniquement silencieuse. Ainsi, une prise en charge précoce pourrait permettre de modifier l’évolution de la maladie, pour réduire sa sévérité et son retentissement sur le quotidien des patients.
Lumière sur les plexus choroïdes
Les chercheurs de l’Institut du Cerveau ont dans des travaux antérieurs montré une activité accrue des cellules immunitaires au niveau des plexus choroïdes. Ces structures, situées dans les ventricules du cerveau, produisent le liquide céphalo-rachidien (LCR) et contribuent à réguler les échanges entre système sanguin et le système nerveux.
En plus de produire le liquide céphalorachidien, on sait que les plexus choroïdes régulent la circulation des cellules immunitaires au niveau la barrière hémato-encéphalique. Ils participent à la protection du cerveau contre l’intrusion de substances toxiques, et constituent une barrière biochimique qui facilite l’évacuation de déchets. Ils interviennent également pour aider le système nerveux central à récupérer après une maladie ou un traumatisme.
Vers un nouveau biomarqueur non invasif
Aujourd’hui, En combinant deux outils d’imagerie, l’IRM et la tomographie par émission de positrons (TEP), les chercheurs analysés et comparé les clichés de 27 patients présymptomatiques, 97 patients diagnostiqués SEP, et 53 volontaires sains. Ils ont montré que les plexus choroïdes des patients présymptomatiques étaient 32% plus volumineux que ceux des individus sains, et d’une taille similaire à ceux des patients déjà diagnostiqués. Ces résultats sont publiés dans la revue Neurology Neuroimmunology & Neuroinflammation.
La mesure du volume des plexus choroïdes pourrait donc constituer un nouveau biomarqueur, c’est-à-dire un critère anatomique permettant d’établir un diagnostic précoce de la maladie in vivo. Il s’avère d’autant plus prometteur qu’il s’agit d’un biomarqueur d’imagerie, qui repose sur un examen non invasif.
Pour confirmer la fiabilité et le potentiel diagnostic de ce biomarqueur candidat, les chercheurs doivent maintenant s’assurer que l’augmentation du volume des plexus choroïdes, corrélé à une forte neuro-inflammation et à l’infiltration de cellules immunitaires dans le liquide céphalorachidien, est spécifique de la SEP et n’est pas observée dans d’autres pathologies neurologiques.
Il faudra également vérifier si le volume des plexus choroïdes connait des fluctuations au cours de l’évolution de la maladie – au gré des poussées inflammatoires ou de la prise de médicaments, par exemple. D’autres études, incluant un plus grand nombre de patients, seront donc nécessaires.
La genèse de l'inflammation en question
Enfin, les chercheurs devront élucider les mécanismes biologiques spécifiques associés à l’augmentation du volume des plexus choroïdes, et leur implication dans le déclenchement des symptômes la SEP. Pour cela, il est nécessaire de mieux comprendre ces structures, encore peu étudiées.
L’équipe a mis en évidence que l’altération de la fonction barrière des plexus choroïdes était décelable au stade présymptomatique de la maladie, à travers une activité immunitaire anormale et des marqueurs biologiques de l’inflammation – dont la présence accrue de la protéine TSPO.
Il existe donc bien une corrélation entre l’augmentation du volume des plexus choroïdes, l’altération de leur fonctionnement et la neuroinflammation mais il reste à déterminer les liens de causalité entre ces phénomènes afin de déterminer et de confirmer le rôle prédictif de l’évolution de la maladie de ces structures.
Sources
Vito A.G. Ricigliano et al. Imaging characteristics of choroid plexuses in presymptomatic multiple sclerosis. Neurol Neuroimmunol Neuroinflamm 2022. À paraître.
L’équipe "La remyélinisation dans la sclérose en plaque : de la biologie à la translation clinique" s’intéresse aux mécanismes de réparation de la myéline dans le cerveau et la moelle épinière dans la sclérose en plaques et les maladies...
En savoir plus