Le diagnostic clinique des troubles de la conscience peut être difficile et nécessiter le recours à des examens complémentaires de neuro-imagerie fonctionnelle. Dans une étude publiée dans la revue Brain, Denis Engemann (Inria Saclay – Île-de-France / CEA NeuroSpin) et Federico Raimondo (Université de Buenos Aires/Sorbonne Université), sous la direction de Jacobo Sitt, chercheur Inserm au sein de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (CNRS/Inserm/Sorbonne Université), à l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, proposent un nouvel outil d’électroencéphalographie (EEG) appelé « DoC-Forest » (DoC pour Disorder of Consciousness et Forest du nom de l’algorithme utilisé). Contrairement aux autres outils développés jusqu’ici et réservés à quelques centres experts, « DoC-Forest » sera accessible aux patients du monde entier.
Un défi majeur pour la prise en charge médicale
Les troubles de la conscience sont un défi majeur pour les neurosciences cliniques.
Après une période transitoire de coma, on distingue classiquement deux états : l’état « végétatif », dans lequel le patient n’est pas conscient, et l’état de conscience minimale qui correspond à un certain degré de conscience. La distinction entre ces deux états a des implications majeures en termes de prise en charge médicale, or elle est très difficile si elle est fondée uniquement sur l’examen clinique. Plusieurs outils ont été développés ces dernières années mais sont réservés à quelques centres experts.
« DoC-Forest » pourrait changer la donne et fournir pour la première fois une évaluation simple, performante, économique et accessible au plus grand nombre.
L’étude conduite par Denis Engemann (Inria Saclay – Île-de-France / CEA NeuroSpin), Federico Raimondo et Jacobo Sitt, membres du PICNIC Lab à l’Institut du Cerveau, propose et valide un outil diagnostic EEG basé sur des données cliniques de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP à Paris. Pour cela, ils ont compilé des biomarqueurs EEG de la conscience avec différentes modalités de capteurs et d’enregistrements EEG, et les ont combinés grâce à un algorithme de machine-learning pour développer un outil diagnostic.
Les chercheurs ont ensuite testé leur outil dans différentes conditions critiques : peut-il être utilisé sur des données provenant d’autres centres dans le monde ? quelle est la quantité de données nécessaire pour fournir un diagnostic fiable ? cet outil est-il donc accessible au plus grand nombre et pas uniquement aux centres experts ? cet outil est-il robuste, c’est-à-dire peut-il fournir le bon diagnostic même avec des données de qualité moindre ?
Ils ont évalué l’algorithme sur deux nouveaux jeux de données provenant de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP à Paris (France) et du Coma Science Group à l’Université de Liège (Belgique). Bien que les conditions d’enregistrement EEG soient différentes (lors d’une tâche auditive à Paris et au repos à Liège), l’algorithme généralise efficacement ses diagnostics, suggérant la présence des signatures EEG communes dans les troubles de la conscience.
L’équipe a testé la performance de son outil « DoC-Forest » sur plus d’une centaine de caractéristiques EEG, combinées ou individuellement. Ils mettent en évidence qu’une bonne performance de prédiction peut être obtenue à partir d’enregistrements de courte durée (quelques dizaines de secondes) et un nombre raisonnable d’électrodes (par exemple, 16 capteurs). Ils ont également observé que le modèle combinant plusieurs modalités était plus fiable que les modèles n’intégrant qu’une seule caractéristique.
Une méthode fiable, simple et accessible
« Nous mettons en évidence le fait que le modèle multivarié, combinant plusieurs caractéristiques, est particulièrement robuste lorsque différentes configurations EEG sont utilisées pour entrainer le dispositif grâce au machine-learning, et si les informations diagnostiques ou les données sont perturbées par du "bruit". » précise Denis Engemann.
Dans son ensemble, cette étude valide la solidité et la fiabilité de cette technique EEG pour le diagnostic des troubles de la conscience. Grâce à cet outil, le diagnostic du niveau de conscience pourra se faire à partir d’une faible quantité de données extraite d’un simple EEG. Il propose une méthode simple et accessible à la plupart des hôpitaux dans le monde entier. Des études complémentaires auront pour objectif d’étendre ces résultats au pronostic des troubles de la conscience (prédire non pas l’état actuel mais l’évolution attendue) ainsi qu’à d’autres états de conscience. Elles permettront également d’optimiser les résultats du machine-learning grâce à des jeux de données plus importants et de développer de meilleurs algorithmes de machine-learning.
> Retrouvez l’étude publiée dans la revue Brain
> Retrouvez l’outil « DoC Forest » ici