Paris, le 13 février 2020 - L'équipe de Nicolas Renier à l'Institut du Cerveau a réussi à reconstruire l'ensemble du système vasculaire cérébral de souris avec une précision sans précédent. Ces travaux ont été menés en collaboration avec Christoph Kirst, aujourd'hui professeur assistant à l'UCSF, en Californie. Alors que de nombreuses pathologies neurologiques et psychiatriques ont une composante vasculaire, celle-ci est encore peu étudiée en raison de la complexité du réseau des vaisseaux sanguins, intimement mêlés aux cellules neuronales. L'outil développé par les chercheurs ouvre la voie à d'importantes recherches sur le rôle de la vascularisation cérébrale dans l'évolution de nombreuses maladies du cerveau. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Cell.
Pour combler ses importants besoins en oxygène et en nutriments, le cerveau est très richement vascularisé dans les veines sanguines, les artères et les capillaires. Le système vasculaire cérébral joue un rôle essentiel dans le fonctionnement et le maintien des circuits neuronaux. De nombreuses pathologies cérébrales, tant neurodégénératives que neuropsychiatriques (schizophrénie, autisme ou dépression), ont une composante vasculaire qui, sans être nécessairement la cause de ces maladies, peut être un facteur aggravant. L'étude du système vasculaire cérébral dans son ensemble représente un défi majeur, en raison de sa densité et de sa complexité, mais aussi une opportunité car sa reconstruction 3D complète est désormais possible.
Mission accomplie pour l'équipe de Nicolas Renier à l'Institut du Cerveau. Grâce à une combinaison de compétences en mathématiques (Christoph Kirst et Sophie Skriabine) et en neurobiologie (Alba Vieites-Prado et Thomas Topilko), les chercheurs ont réussi à reconstruire tout le système vasculaire cérébral de la souris à très haute résolution avec reconnaissance automatique de la nature de chaque vaisseau (artère, capillaire ou veine). Depuis la conclusion de cette étude, plusieurs dizaines de cerveaux ont été reconstruits, car la technique permet d'obtenir ces données plus rapidement et plus facilement. Alors que ces reconstructions prenaient auparavant plusieurs mois ou années de travail manuel par cerveau, les chercheurs peuvent maintenant reconstruire un cerveau en seulement 2 jours.
Pour ce faire, ils ont mis au point une méthode de marquage biologique pour distinguer les artères sanguines, les veines et les capillaires dans un cerveau optiquement transparent afin d'enregistrer des images tridimensionnelles à l'aide de la plus récente technique d'imagerie, la microscopie photonique. Ces données brutes très complexes du système vasculaire cérébral sont ensuite passées entre les mains de mathématiciens qui ont mis au point un logiciel permettant de reconstruire ces images à l'aide d'approches novatrices combinant les mathématiques formelles et les réseaux neuronaux artificiels.
Le résultat est une reconstruction mathématique tridimensionnelle du système vasculaire cérébral, distinguant les différents types de vaisseaux sanguins, leur localisation et leur organisation dans les différentes régions du cerveau. À l'échelle d'un cerveau de souris (environ 1 cm3), cela représente près de 280 mètres et quelque 8 millions de vaisseaux avec des variations régionales majeures en termes de densité des vaisseaux, très importantes dans les régions sensorielles par exemple.
"Ces reconstructions ouvrent la voie à de nouvelles hypothèses et opportunités de travail, notamment pour étudier l'altération du réseau vasculaire dans différentes pathologies, mais aussi pour comprendre l'organisation intime du réseau cérébrovasculaire et comment il supporte les fonctions neuronales".
Pour valider cette méthodologie, l'équipe de recherche a collaboré avec celle de Piotr Topilko, qui met au point des modèles expérimentaux d'AVC, afin d'étudier l'impact d'un AVC, qui correspond à l'obstruction ou à la rupture d'une artère cérébrale, sur le système vasculaire du cerveau. Ils ont observé une redirection massive des capillaires sanguins vers le site de l'AVC. "Le réseau vasculaire, même dans un cerveau adulte, est extrêmement plastique et peut subir des modifications très importantes". poursuit Nicolas Renier.
Ayant montré que les régions sensorielles étaient parmi les plus densément vascularisées du cerveau, les chercheurs, en collaboration avec Nicolas Michalski et Christine Petit de l'Institut Pasteur, ont étudié l'effet de la surdité sur le réseau vasculaire cérébral. Ils ont pu mesurer que durant la surdité congénitale, la vascularisation des zones auditives est largement diminuée au profit d'une augmentation de la vascularisation des zones cérébrales associées au toucher et à la vue. Une forme de compensation existerait donc entre les différentes zones cérébrales, la communication neuronale entre ces zones influençant la réorganisation du réseau vasculaire.
"Ces données sont très encourageantes et nous poussent à explorer d'autres contextes pathologiques dans lesquels l'activité neuronale est affectée. L'outil que nous avons développé nous permet d'effectuer ces reconstructions à l'échelle du cerveau entier dans différents contextes et de générer ainsi de nouvelles hypothèses sur la façon dont diverses maladies modifient la topologie vasculaire. "conclut Nicolas Renier.
Sources
Mapping the fine scale organization and plasticity of the brain vasculature, Christoph Kirst, Sophie Skriabine, Alba Vieites-Prado, Thomas Topilko, Paul Bertin, Gaspard Gerschenfeld, Florine Verny, Piotr Topilko, Nicolas Michalski, Marc Tessier-Lavigne, Nicolas Renier, Cell, February 2020.