Selon les critères du DMS5 (5e édition du manuel de diagnostic et de statistiques des troubles mentaux), la dépression se définit par un état de tristesse ou d’apathie (perte d’envie et/ou de motivation).
Le diagnostic de la dépression
Les ruminations se définissent par une incapacité à « changer d’idées », le patient reste « fixé » sur les mêmes pensées négatives.
Nos émotions évoluent au cours du temps. Cela peut sembler évident, mais comprendre précisément ces variations, leur dynamique et les régions du cerveau impliquées, revêt une importance majeure dans une perspective thérapeutique. Les variations émotionnelles sont en effet une caractéristique clé dans plusieurs troubles de la santé mentale comme la dépression. Lorsque l’on ressent une émotion, deux phases se succèdent. D’abord, le déclenchement de l’émotion qui peut être brutal ou progressif, on parle de degré « d’explosivité » de l’émotion. Puis la phase de compensation de l’émotion, c’est-à-dire l’intensification ou l’atténuation de l’émotion au cours du temps, évaluée par son degré « d’accumulation ».
La dévalorisation ou « affects négatifs » dans la perception de soi est souvent modifiée, et peut-être encore différemment chez les personnes avec des tendances suicidaires. Il existe une corrélation entre la perception de soi et le niveau de dépression.
Ces « affects négatifs » s’accompagnent souvent par un défaut de « l’ affect positifs » qui se traduit par une incapacité à éprouver du plaisir, à avoir de la volonté et à entreprendre des actions.
Les connaissances les plus récentes en neurosciences laissent penser que la dépression est une pathologie de la motivation, c'est-à-dire touchant les réseaux du cerveau impliqués dans la prise de décision et dans l’évaluation du coût / bénéfice par rapport à l’effort à fournir.
En effet, lorsque nous devons choisir entre plusieurs actions ou décider de faire un effort, notre décision repose sur le poids respectif de deux éléments : les bénéfices, c'est-à-dire la récompense que nous pouvons obtenir ou la perte que nous pouvons éviter et les coûts en particulier l’effort exigé.
L’origine des troubles de la motivation relèverait soit d’une diminution de la sensibilité aux récompenses ou aux pertes, soit d’une augmentation de la sensibilité à l’effort. Ces deux mécanismes cohabitent sans doute chez un même patient à des degrés plus ou moins importants. Un patient dépressif peut par exemple se montrer incapable de rejoindre des amis pour une sortie, soit parce que la récompense, le plaisir d’être avec ses proches, est aboli, soit parce que le coût des actions nécessaires avant de sortir, comme se préparer, s’habiller et aller jusqu’au restaurant, est majoré.
À l’Institut du Cerveau
L’équipe « Contrôle cognitif- intéroception – attention » co-dirigée par Philippe FOSSATI et Liane SCHMIDT a montré en 2017 que les différences au niveau de l’explosivité du déclenchement de l’émotion sont liées à une activité dans le cortex préfrontal médian. Cette région est supposée être impliquée dans la perception que l’on a de soi-même. Ici, son activation pourrait donc refléter la différence entre l’évaluation donnée par autrui et l’idée que les participants ont d’eux-mêmes. Les différences au niveau de l’accumulation sont, elles, liées à l’activation de la partie postérieure de l’insula, une région connue pour jouer un rôle clé dans l’intégration des signaux émotionnels. Ces résultats pourraient avoir des conséquences sur les traitements des troubles de la santé mentale.
L’équipe « « Motivation, cerveau et comportement » co-dirigée par Mathias PESSIGLIONE, Jean DAUNIZEAU et Sébastien BOURRET étudie l’apathie et la motivation sous différents aspects. Les neurones dopaminergiques et noradrénergiques jouent un rôle important dans la motivation. Grace à une étude comportementale, les chercheurs ont montré que les neurones dopaminergiques interviennent dans la prise de décision alors que les neurones noradrénergiques contribuent à la mobilisation de l’énergie nécessaire à l’action.
Cette découverte est fondamentale, car ces deux aspects du comportement pourraient être ciblés de façon préférentielle chez les patients apathiques.
Récemment cette même équipe a identifié grâce à des enregistrements intracérébraux 4 propriétés fondamentales des systèmes cérébraux déterminant nos préférences. Pour en savoir plus
Bénédicte BATRANCOURT chercheuse INSERM dans l’équipe « FRONTLAB: Fonctions et dysfonctions de systèmes frontaux », dirigée par Richard LEVY a mené le projet ECOCAPTURE, permettant de mesurer en condition naturelle le niveau d’apathie et d’en préciser la forme.
L’apathie se caractérise par une perte de motivation, d’envie, d’émotions, et d’un déficit des capacités permettant d’exécuter et d’initier des comportements utiles.
C’est le symptôme le plus fréquent observé chez les patients atteints de dépression et des maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Jusqu’à présent ce syndrome était peu connu, mal élucidé et son évaluation subjective.
Cette nouvelle méthode de mesure, simple et objective, ouvre la voie aux études corrélant le degré d’apathie à l’évolution des maladies neurologiques et psychiatriques et de mesurer l’effet des traitements sur ce syndrome.