Jaime de Juan-Sanz vient de rejoindre l'Institut du Cerveau en tant que titulaire de la Chaire Diane Barrière « Physiologie moléculaire de la bioénergétique synaptique »
Quel a été ton parcours avant d’arriver à l'Institut du Cerveau ?
J'ai effectué mon doctorat en Espagne au Centre de biologie moléculaire Severo-Ochoa à Madrid. Je m’intéressais alors aux transporteurs de la glycine, en particulier GlyT2. Des mutations dans ce transporteur provoquent une maladie appelée hyperekplexie, un trouble neurologique caractérisé par des réponses soudaines et prononcées aux stimuli tactiles ou acoustiques et une l'hypertonie. Au cours de ma thèse, j'ai travaillé sur les mécanismes moléculaires contrôlant cette protéine en essayant d’apporter de nouvelles informations pour mieux comprendre cette maladie. Je suis ensuite parti aux États-Unis au Cornell Medical College de New York pour étudier les mécanismes moléculaires contrôlant la fonction synaptique dans le laboratoire de Timothy Ryan. Nous y avons développé de nouveaux biocapteurs pour étudier la biologie des organites axonales comme le réticulum endoplasmique et les mitochondries. Nous avons pu observer des choses que nous ne pouvions pas voir auparavant, et ainsi découvrir de nouveaux aspects du fonctionnement des synapses.
Comment est né ton intérêt pour les neurosciences ?
Quand j’étudiais à l’Université… c’était vraiment la question la plus intéressante pour moi. Les neurosciences sont une partie très complexe de la biologie, et cela me fascinait à l’époque… et cela me fascine toujours aujourd'hui. Comprendre le fonctionnement du cerveau est une tâche folle que nous essayons de mener tous ensemble. C’est vraiment un défi passionnant.
Qu'est-ce qui t’a amené à l'Institut du Cerveau ?
Une des choses que j'aime vraiment à l'Institut du Cerveau, c'est qu'il est spécialisé en neurosciences. J'aime beaucoup l’idée que tous mes collègues mènent des recherches très différentes allant des essais cliniques à la biologie moléculaire, en passant par les circuits ou les maladies ... Je pense que c'est un très bon endroit pour en apprendre davantage sur tous les aspects des neurosciences dont je ne suis pas expert, mais pour avoir l’occasion d’aider d’autres personnes grâce à mes connaissances en neurobiologie moléculaire, en imagerie et en biocapteurs.
Quels sont les projets que tu souhaites développer à l’Institut du Cerveau ?
Ma recherche comporte deux aspects : un plus fondamental et un plus lié à la pathologie. Le premier est de chercher à comprendre comment le métabolisme neuronal soutient la communication entre neurones. Le cerveau consomme une grande partie de notre apport énergétique quotidien. Les synapses en particulier, qui relient des neurones les uns aux autres, consomment beaucoup d'énergie. Chaque fois que les neurones communiquent entre eux, beaucoup d’énergie est consommée. Sans surprise, ne pas avoir assez d'énergie pour maintenir la communication neuronale entraîne des effets délétères. Le premier objectif de mes recherches est de comprendre les acteurs moléculaires essentiels impliqués dans le maintien de la bioénergétique des synapses en conditions normales. Le deuxième objectif, davantage lié à la pathologie, repose sur l'hypothèse selon laquelle une bioénergétique altérée peut provoquer l'épilepsie. 170 mutations différentes chez l'être humain qui affectent la fonction de la mitochondrie, l'organite qui fournit de l'énergie aux cellules, provoquent l'épilepsie. Mon idée est de travailler sur une meilleure compréhension, à l’échelle moléculaire, de ce qui fait défaut dans les synapses d’un point de vue énergétique lorsque les mitochondries sont dysfonctionnelles et de voir s’il cela influence le développement de l’épilepsie.
Quelles collaborations souhaiterais-tu mettre en place à l’Institut du Cerveau ?
Avec Vincent Navarro et Stéphanie Baulac sur l’épilepsie pour sûr. Nous discutons actuellement de ce que nous pouvons faire ensemble. Je travaille principalement avec des rats et des souris mais je pense que nous pouvons obtenir des échantillons humains de personnes atteintes d’épilepsie afin de transférer une partie de notre travail chez l’humain. Aussi, j'aimerais collaborer avec Nelson Rebola, nous avons des intérêts communs dans la compréhension de la fonction synaptique. Nous pourrions transférer certains de nos outils sur des tranches de cerveau avec Nelson pour explorer le rôle synaptique des organites dans les tissus sains.
Quel est ton espoir dans la recherche ?
Mon espoir est de mieux comprendre les règles contrôlant la façon dont les neurones communiquent entre eux. Cela aidera la communauté scientifique à mieux comprendre le comment notre cerveau fonctionne mais également comment une dysfonction synaptique peut être impliquée dans différentes pathologies du système nerveux. Une compréhension fine d'une maladie est essentielle pour trouver un traitement.