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Recherche, Science & Santé

Nathalie Cartier, invitée de VIVEMENT DIMANCHE sur France 2

Publié le : 09/01/2020 Temps de lecture : 1 min
Nathalie Cartier

Nathalie Cartier, directrice de recherche INSERM et cheffe de l'équipe "Thérapie génique" à l'Institut du Cerveau oeuvre au quotidien pour lutter contre les maladies neurodégénératives sévères.

Le 26 janvier prochain, elle interviendra aux côtés de Michel Drucker dans l'émission "Vivement Dimanche" sur France 2. À cette occasion, Nathalie Cartier parlera de ses recherches effectuées à l'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière.

Retrouvez ci-dessous son portrait complet :

 

Quel a été ton parcours avant de rejoindre l’Institut du Cerveau ?

Je suis pédiatre de formation. J’ai toujours voulu faire de la recherche. Mon père était biochimiste à l’hôpital Necker, et depuis mon enfance je passais dans son laboratoire, je le voyais dessiner des voies métaboliques et ça me fascinait beaucoup. Après mon internat, j’ai fait un post-doc chez Axel Kahn à l’Institut Cochin où nous avons mis au point les premiers modèles de cancer sensible au régime alimentaire chez des souris transgéniques. En 1993, je suis revenue dans mon service d’origine d’Endocrinologie et de Pédiatrie à Saint-Vincent de Paul. J’y ai rencontré Patrick Aubourg, qui revenait des États-Unis et venait de cloner le gène de l’adénoleucodystrophie. C’est ainsi que nous avons commencé à travailler sur la thérapie génique de cette maladie.

Comment as-tu vécu ces débuts de la thérapie génique ?

Nous avons essuyé beaucoup de plâtres. Ceux des premiers rétrovirus murins et les complications de leucémie qu’il y a eu dans les essais cliniques. Avec ces premiers virus, nous parvenions à montrer que notre stratégie était la bonne, qu’il était possible de corriger les propres cellules souches de la moelle osseuse des enfants malades. Mais l’effet était tellement faible qu’il nous paraissait vain de passer à l’étape de l’essai clinique. C’est alors qu’un groupe américain a montré que le VIH pouvait être un bon vecteur de thérapie génique. En 2001, nous avons fait la preuve de concept chez l’animal de cette utilisation du VIH comme vecteur de thérapie génique dans l’adrénoleucodystrophie liée à l’X nous pouvions donc démarrer les essais chez les patients. Obtenir l’autorisation d’essai clinique a été extrêmement compliqué car c’était le VIH ! Mais l’adrénoleucodystrophie est une maladie tellement grave, les enfants qui n’avaient pas de donneurs pour la greffe décédaient tous, il fallait essayer cette autogreffe.  De cellules corrigées avec un vecteur dérivé du VIH. Nous avons eu la chance d’être mis en relation avec une famille américaine porteuse de la maladie, très active, qui nous a mis en relation avec une entreprise américaine, Cell Genesys. C’est ainsi que nous avons pu lancer le premier essai clinique utilisant le VIH comme vecteur pour corriger les cellules souches de la moelle osseuse. Ça a été un grand tournant. Nous avons maintenant un recul de plus de 13 ans sur cette thérapie et il n’y a eu aucun accident et la correction est toujours stable chez les patients. Nous nous sommes ensuite attaqués à une autre leucodystrophie, la leucodystrophie métachromatique. Cette maladie évolue encore plus vite et plus gravement, nous nous sommes dits qu’il fallait apporter le gène thérapeutique directement dans le cerveau. Nous l’avons fait avec un petit virus nommé AAV (adeno-associated virus). Nous avons montré la bonne tolérance et la capacité de production au long cours de l’enzyme manquante chez les enfants traités. Malheureusement, ce traitement n’a pas suffi pour stopper la maladie chez les enfants traités, et nous travaillons aujourd’hui à améliorer le protocole thérapeutique.

Aujourd’hui, tu travailles aussi sur d’autres maladies, plus fréquentes, comme Alzheimer ou Huntington, qu’est-ce qui a motivé ces nouvelles recherches ?

Je souhaitais vraiment utiliser ces mêmes outils pour m’attaquer à des maladies plus fréquentes. Nous avons donc commencé à travailler sur la maladie d’Alzheimer. C’est une histoire complètement différente car Alzheimer n’est pas une maladie génétique. L’idée était de se dire que la thérapie génique n’est pas seulement pour les maladies génétiques mais peut aussi servir à corriger des voies métaboliques qui ne fonctionnent pas par autre chose que des petites molécules. C’est une facette de la thérapie génique qui est compliquée à faire admettre à la communauté scientifique et médicale, car il s’agit d’une action indirecte. Nous avons tout de même poursuivi cette voie et avons mis en évidence que le métabolisme du cholestérol dans le cerveau était une cible très intéressante, non seulement dans la maladie d’Alzheimer mais également dans d’autres maladies comme la maladie de Huntington.

Depuis 10 ans, nous avons établi plusieurs preuves de concept dans ces maladies. Dans le cas de Huntington, grâce à l’équipe de Jocelyne Caboche et Sandrine Bétuing à Jussieu, nous avons montré qu’en restaurant la voie du cholestérol nous parvenions à corriger la pathologie. A ce moment-là, je me suis dit que pour passer au stade clinique, il fallait trouver des moyens financiers. C’est pourquoi, en 2015, j’ai créé BrainVectis, initialement incubée à Paris Biotech Santé et maintenant à l’Institut du Cerveau - ICM, qui a été soutenue par la SATT Ile-de France Innov’ (aujourd’hui Erganeo), avec l’idée de faire un essai clinique dans la maladie de Huntington. Nous développons actuellement les partenariats pour lancer cet essai, en 2021, je l’espère.

Pourquoi l’Institut du Cerveau ?

L’environnement Institut du Cerveau évidemment. Les collaborations avec les équipes de recherche et les cliniciens, l’accès à la clinique, aux patients, le Centre d’Investigation Clinique et l’iPEPS où est incubée BrainVectis. Tout cet écosystème est véritablement propice à la recherche et aux avancées scientifiques et médicales. Ce dynamisme est aussi très important pour nouer des partenariats industriels. La Pitié-Salpêtrière est une référence à l’international. Je pense que l’Institut du Cerveau est un lieu qui peut devenir incontournable en matière de recherche et de clinique en Neurosciences. Déjà lorsque mon équipe était au CEA, nous étions en relation avec l’Institut du Cerveau via Neuratris. J’avais envie d’approfondir ce partenariat, c’est pour cela que j’ai proposé à Alexis Brice de profiter du renouvellement de l’UMR de l’Institut du Cerveau pour inclure une équipe de thérapie cellulaire et génique.

 

Quel est l’objectif de ton équipe ?

Notre but est de développer des approches de thérapie génique et cellulaire pour plusieurs maladies neurodégénératives sévères et d’améliorer les outils qui permettent de le faire afin de les rendre accessible au plus grand nombre de patients. Aujourd’hui, nous savons injecter localement dans le cerveau un vecteur de thérapie génique pour agir dans la maladie de Huntington. En revanche, si nous voulons nous attaquer à des maladies comme Alzheimer ou la sclérose latérale amyotrophique (SLA), nous devons trouver des méthodes qui pourront être généralisées à un plus grand nombre de patients, comme la voie intraveineuse ou des systèmes pour augmenter l’efficacité des thérapies.

Quels sont tes projets à l’Institut du Cerveau ?

Nos projets immédiats concernent deux maladies : le syndrome de Rett et la SLA. Nous travaillons également sur les maladies démyélinisantes au sens large avec l’idée de favoriser la remyélinisation par des approches pro-remyélinisantes. Nous continuons bien sûr notre travail sur les leucodystrophies. Suite au premier essai sur la leucodystrophie métachromatique (P. Aubourg, C. Sevin)  qui n’a pas été couronné de succès, nous avons mis en évidence que notre mécanisme d’action était bon mais la maladie est tellement sévère que l’état des enfants continu à s’aggraver. Notre objectif avec Caroline Sevin, directrice du centre de référence des leucodystrophies à Bicêtre et membre de mon équipe INSERM, est d’arriver à améliorer l’approche thérapeutique dans cette maladie pour parvenir à être plus efficace pour traiter les patients. Avec Michel Zerah, neurochirurgien dans mon équipe, nous collaborons avec Carthera. Notre objectif est d’étudier si l’ouverture de la barrière hémato-encéphalique par les ultrasons permet d’augmenter la délivrance de vecteur de thérapie génique dans le cerveau et donc son efficacité. C’est un projet soutenu par la fondation Janssen qui devrait débuter en 2020.

Quelles sont tes collaborations avec les équipes de l’Institut du Cerveau ?

Dans la maladie d’Alzheimer, je travaillais déjà depuis des années avec Charles Duyckaerts, Marie-Claude Potier et Benoit Delatour ; sur la sclérose en plaques, nous avions un programme avec Catherine Lubetzki ; pour Huntington, je m’étais rapprochée d’Alexandra Durr. Nos échanges nous ont permis d’étendre les réflexions faites dans la maladie de Huntington à d’autres pathologies de la famille de maladies à poly-extensions de glutamine, notamment plusieurs ataxies spinocérébelleuses. Nous avons établi la preuve de concept dans une de ces ataxies, SCA3. Nous avons mis en place un programme européen E-RARE et qui a pour objectif de regarder sur plusieurs de ces ataxies si nous arrivons à les traiter avec un seul produit. Enfin, pour la SLA, je commence à travailler avec François Salachas et Séverine Boillée. Toutes ces collaborations sont très importantes pour moi et ce sont d’abord elles qui m’ont donné envie de rejoindre l’Institut du Cerveau.

Quel est ton espoir en recherche ?

Le traitement que nous avons mis au point pour l’adénoleucodystrophie va être commercialisé probablement l’année prochaine, donc ça y est, ça sera un médicament. Aujourd’hui mon espoir est de parvenir à faire la même chose dans d’autres pathologies comme Huntington. Il faut aujourd’hui casser cette barrière « 1 gène / 1 maladie ». Il faut considérer que la thérapie génique est une médecine comme une autre, qui cible des mécanismes qui ne fonctionnent pas dans l’organisme ou dans la cellule et que cela peut être utile dans des maladies complexes comme Alzheimer, Parkinson ou la SLA. Plus prosaïquement, nous sommes une petite équipe qui vient d’arriver. Àterme, je voudrais vraiment structurer une équipe solide qui vogue après moi. 

Comment en es-tu arrivée à la recherche ?

J’ai toujours fait de la biologie en parallèle de mes études de médecine. J’étais d’ailleurs dans la même promotion qu’Alexis Brice. Dans notre année, j’étais amie avec Pierre Sonigo et Marc Alizon, avec lesquels je faisais de la biochimie à la fac et qui préparaient l’entrée à Normal Sup (où ils ont été admis). Malheureusement je me suis rendue compte le jour du concours d’entrée que je pouvais rentrer directement chez moi (rire). J’étais donc dans ce sillage-là de biologie que j’aimais beaucoup et bien sûr il y a l’influence génétique paternelle. C’était aussi un moment passionnant de découvertes fondamentales en génétique. Mais j’ai toujours fait de la recherche avec la volonté que cela serve à traiter des maladies.

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