Tribune de Margot Morgiève, chercheuse post-doctorante au Cermes3 et à l’Institut du Cerveau – ICM (équipe BEBG), et co-auteur de l’ouvrage « Les TOC ».
Comment se développent ce que la psychiatrie moderne nomme les « troubles obsessionnels compulsifs » ? Et quel rôle jouent les facteurs génétiques, biologiques, environnementaux dans cette maladie ?
Vérifier nos dispositifs de sécurité, éviter la saleté et les contagions microbiennes, anticiper les conséquences négatives de nos comportements, appliquer des procédures systématiques d’action, ranger, nettoyer, mettre de l’ordre dans le désordre, chercher la symétrie, éviter de penser à certaines choses… Ce sont là des actes que nous effectuons tous plusieurs fois par jour, le plus souvent plutôt machinalement. Et très généralement, ils ont un coût très faible et une efficacité importante : nos logements demeurent globalement protégés des cambrioleurs, notre hygiène nous évite la plupart des maladies infectieuses, nous ne cherchons pas pendant des heures chaque objet, nous n’écrasons pas les piétons sans nous en préoccuper… Bref, ces actes sont efficients, et ils nous aident à vivre.
Mais parfois les mécanismes qui président à leur bonne mise en œuvre semblent se dérégler. S’il faut sortir de chez soi, ou aller se coucher, ce n’est plus sans avoir vérifié la porte pendant une heure. S’il faut serrer une main, ce n’est plus sans aller se désinfecter à l’eau de javel. S’il faut prendre sa douche, il faut alors se savonner 17 fois chaque aisselle, 35 fois chaque pied, 12 fois chaque doigt, et recommencer si l’on perd le compte. Passer l’aspirateur ne prend plus jamais moins de quatre heures, parce qu’il faut le passer de façon rigoureusement parallèle aux lattes de parquet, et là encore recommencer si la brosse dévie. Conduire devient un calvaire, car il faut revenir 20 fois sur ses pas pour s’assurer de n’avoir tué personne, et s’en assurer encore en lisant tous les journaux locaux dans les jours suivant le déplacement.
Le coût de ces actes devient alors prohibitif, la qualité de vie et la vie sociale s’écroulent, la personne et ses proches souffrent de façon très importante, la dépression et ses graves conséquences sont souvent proches. Etrangement, les personnes qui présentent ce style de fonctionnement – que la psychiatrie contemporaine nomme classiquement des Troubles Obsessionnels Compulsifs – ne souffrent ni de délire, ni d’hallucinations, ni de troubles de la raison ou de la perception. Elles « savent bien » qu’il est inutile de se laver 17 fois sous chaque aisselle et que personne ne va mourir si elles ne comptent pas jusqu’à 53 avant de refermer le frigidaire. Elles « voient bien » que la boite aux lettres est vide et qu’il ne sert à rien d’en vérifier l’intérieur avec les doigts pendant 20 minutes. Souvent, elles qualifient leurs propres comportements de « ridicules ». Plus savamment, ils sont « égodystoniques ».
Mais, pourtant, elles « ne peuvent pas ne pas les faire », bien que parfois ils envahissent totalement la vie et deviennent extrêmement handicapants. Comment ces fonctionnements se développent-ils ? Quels rôles y jouent les gènes, le psychisme, le cerveau ? Quelle est l’importance de l’éducation, des styles parentaux, des évènements de vie, de l’environnement, des normes sociales ? Quel est l’impact sur les proches ? Quelles sont les solutions dont nous disposons aujourd’hui pour agir sur ces troubles et sur leurs retentissements ?
Ce sont quelques-unes des questions que nous abordons avec Xavier Briffault dans l’e-book « Les TOC », un ouvrage très accessible en 40 pages qui permet de mieux comprendre ces phénomènes douloureux et handicapants que la psychiatrie contemporaine désigne sous le nom de « troubles obsessionnels compulsifs », à partir du récit vivant d’une histoire typique de personne présentant des TOC.