C’est avec une grande tristesse que l’Institut du Cerveau a appris le décès de Richard Miles, survenu le 12 janvier 2024.
Ci-dessous le texte écrit en son hommage par ses collègues.
« Richard Miles, notre ami et collègue de l’Institut du Cerveau, nous a quitté le 12 janvier 2024, sur l’île de la Guadeloupe, auprès de sa compagne et entouré de fleurs qu’il affectionnait tant. Richard, Directeur de Recherche au CNRS, était sans aucun doute l’un des neurophysiologistes les plus influents et les plus appréciés de son époque, non seulement grâce à ses découvertes scientifiques majeures mais aussi à son charisme teinté de douceur, de générosité et de brillance intellectuelle. Né à Nottingham en Angleterre, il opta en 1972 pour des études de physique à l’Université Collège de Londres, une formation initiale qui s’avérera un atout majeur dans ses recherches sur les propriétés électriques des neurones et des synapses. Après un master en physiologie obtenu dans la même université, il effectua un doctorat à l’université de Bristol avec le professeur M.J. Purves, sur la chimio-sensibilité des neurones de la moelle épinière. Ce fut pour Richard le début d’un long périple, ponctué de stages postdoctoraux dans les meilleurs laboratoires d’électrophysiologie, à l’Université du Texas, de New-York et finalement à l’Institut Pasteur, dans le laboratoire de Neurobiologie Cellulaire, où il obtint d’emblée un poste de Directeur de Recherche. C’est au cours de cette période que Richard devint un des leaders de la recherche sur l’anatomie et les propriétés fonctionnelles des réseaux de neurones de l’hippocampe, structure profonde du lobe temporal, impliquée à la fois dans des processus cognitifs et dans la genèse d’activités épileptiques. L’originalité et la force des recherches de Richard Miles résidaient dans sa capacité exceptionnelle à imaginer les expériences les plus fines et les plus pertinentes pour répondre à des questions fondamentales sur le fonctionnement du cerveau. Certains d’entre nous ont eu le privilège de l’assister, jusqu’au bout de la nuit, dans des expérimentions admirables, consistant par exemple à enregistrer simultanément trois neurones interconnectés par des synapses, prouesse inégalée permettant de comprendre précisément comment l’information circule dans les circuits de l’hippocampe.
Le concept majeur que ses nombreux élèves et collaborateurs ont appris auprès de lui, et qui constitue le fondement de la neurophysiologie moderne, est que toute activité cérébrale, qu’elle soit physiologique ou pathologique – comme les crises d’épilepsie –, résulte d’interactions subtiles entre les propriétés des synapses et la configuration anatomique des réseaux neuronaux. Richard fit de cette conception la base de découvertes révolutionnaires qu’il effectua d’abord à la faculté de médecine de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, puis à l’Institut du Cerveau. Artisan d’une nouvelle recherche translationnelle en épilepsie, il montra notamment que les crises d’épilepsie du lobe temporal résultent d’une perte du contrôle homéostasique des concentrations cellulaires en ions chlorures dans une petite population de neurones. Cette découverte cruciale est l’une des plus importantes concernant les mécanismes de l’épilepsie. Grâce à ses élèves, ses travaux se poursuivent, avec l’espoir de développer des traitements plus précis et plus efficaces.
Richard restera comme une brique irremplaçable dans l’immense édifice que constitue la neurophysiologie de l’hippocampe et de l’épilepsie. Mais, surtout, il nous manque, et nous manquera encore. D’abord pour l’ami et l’homme qu’il était. D’une délicatesse inaccoutumée, Richard savait prodiguer une aide bienveillante et attentionnée à tous ceux qui avaient la chance de travailler à ses côtés. Il était véritablement un homme extraordinaire, alliant dans une personnalité unique, un humour décalé, un sourire farceur et une rare excellence scientifique. »
Stéphane Charpier, Alberto Bacci, Séverine Mahon, Vincent Navarro
L’ensemble du personnel de l’Institut adresse ses plus sincères condoléances à sa compagne, à sa famille et à tous ses proches.