L’agitation pendant le sommeil est fréquente dans la population, mais peut être le symptôme de deux maladies en apparence opposées, le somnambulisme et le trouble comportemental en sommeil paradoxal. Le premier touche plutôt les sujets jeunes et se déroule lors du sommeil profond alors que le second affecte principalement les sujets âgés et est souvent associé à des pathologies neurodégénératives. Pourtant, une récente étude conduite par des médecins et chercheurs de l’Institut du Cerveau – ICM et de l’APHP montre que certaines caractéristiques du somnambulisme et du trouble comportemental en sommeil paradoxal se recoupent. Un résultat qui aurait une incidence dans le diagnostic et la prise en charge de ces troubles.
Le somnambulisme et les terreurs nocturnes sont des comportements anormaux lors du sommeil profond. Les patients, en état peu ou pas conscient, peuvent par exemple ouvrir les yeux, s’asseoir, hurler, courir, marcher, tenir des objets, parler, voire répondre à des questions – mais souvent de manière inappropriée. Le somnambulisme et les terreurs nocturnes touchent principalement les enfants et les jeunes adultes, avec une forte prédisposition familiale.
À l’opposé, le trouble comportemental en sommeil paradoxal affecte principalement les sujets de plus de 50 ans. Il est souvent associé à la maladie de Parkinson ou certaines démences, qu’il précède ou accompagne. De nombreuses études font état de liens entre la maladie de Parkinson et le sommeil. Le trouble comportemental est caractérisé par des gesticulations, des mouvements brusques des bras et des jambes, des rires, des paroles et des cris. Il a lieu principalement dans le lit du patient, sans déambulation. Les patients décrivent ces comportements comme une tentative d’agir pendant leurs rêves ou leurs cauchemars.
Ces deux troubles que tout oppose ne devraient donc pas présenter de caractéristiques communes. Pourtant de études antérieures ont décrit de rares cas de patients âgés présentant à la fois des troubles comportementaux en sommeil paradoxal et des crises de somnambulisme.
Y aurait-il finalement des caractéristiques communes ou des recouvrements entre ces deux pathologies ?
Pour approfondir cette question, les médecins et chercheurs de l’Institut du Cerveau – ICM et du département des pathologies du sommeil de la Pitié-Salpêtrière ont examiné 62 patients atteints de somnambulisme ou de terreurs nocturnes, 64 patients avec un trouble comportemental en sommeil paradoxal, 66 sujets sains âgés et 59 sujets sains jeunes.
Les participants ont répondu à plusieurs questionnaires visant à analyser leur contenu mental et rêves lors des troubles, ainsi que leurs comportements et ont bénéficié d’un examen de vidéo-polysomnographie qui consiste à enregistrer diverses données physiologiques comme l’encéphalogramme, le rythme cardiaque ou l’activité des muscles au cours du sommeil, couplés à un enregistrement vidéo.
Les résultats montrent que des caractéristiques typiques du trouble comportemental en sommeil paradoxal, comme le fait d’avoir des rêves ou des cauchemars intenses et de les « vivre » physiquement en gesticulant la nuit, sont communément observées aussi chez les patients somnambules. Cette observation a un impact sur la spécificité des questionnaires utilisés en épidémiologie en population générale pour dépister le trouble comportemental en sommeil paradoxal, avec un dépistage faussement positif.
Les patients atteints de somnambulisme ou de terreurs nocturnes présentaient, en plus de leurs comportements anormaux en sommeil lent profond des secousses musculaires et des sursauts excessifs au cours du sommeil paradoxal, sans pour autant qu’ils n’aient de comportement anormaux en sommeil paradoxal. L’origine de ces secousses reste encore à élucider. Elle pourrait correspondre à une activité de rêve plus importante en sommeil paradoxal chez les somnambules (d’où plus de secousses brèves) ou à un défaut d’inhibition motrice pendant l’ensemble du sommeil, lent et paradoxal.
En attendant de pouvoir préciser les circuits en cause dans le somnambulisme (ceux du trouble comportemental étant, eux, bien identifiés, avec une lésion du locus subcoeruleus, qui normalement verrouille tous nos mouvements en sommeil paradoxal), ces résultats montrent qu’une personne qui se plaint de cauchemars ou de rêves agités n’a pas forcément un trouble comportemental en sommeil paradoxal ni un risque de développer une maladie de Parkinson, mais peut tout simplement souffrir de terreurs nocturnes en sommeil lent profond. D’où l’intérêt d’enregistrer le sommeil et le comportement des personnes qui crient, s’agitent et gesticulent pendant leur sommeil. Le risque de blessure de soi ou des autres associé peut conduire à proposer un léger traitement pour réinstaurer une vraie détente musculaire pendant le sommeil.
Sources
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28513054/
Haridi M, Weyn Banningh S, Clé M, Leu-Semenescu S, Vidailhet M, Arnulf I. J Sleep Res. 2017 May 17