À L’Institut du Cerveau, l'équipe des PRS Catherine Lubetzki et Bruno Stankoff mène une recherche à la fois fondamentale et clinique dédiée à la sclérose en plaques.
Retrouvez ici les derniers travaux de cette équipe publiés récemment dans des journaux scientifiques prestigieux, The Lancet Neurology et Nature Reviews Neurology.
La thérapie réparatrice des lésions de sclérose en plaques : état des lieux
Dans la sclérose en plaques (SEP), une réponse immunitaire (une activation des cellules inflammatoires), dirigée contre la myéline se développe, entrainant la disparition de cette gaine protectrice des neurones. On parle de la SEP comme d’une maladie auto-immune puisque le système immunitaire, censé protéger l’organisme contre des hôtes étrangers s’attaque à un de ses propres composants.
La myéline est une membrane composée de 70% de lipides et de 30% de protéines dont le rôle est d’envelopper l’axone (prolongement du neurone), de le protéger, de permettre sa nutrition et de faciliter le passage de l’influx nerveux. Cette gaine permet la conduction rapide et efficace du message électrique le long du neurone, dite conduction saltatoire (voir news ci-après).
Des traitements contre la démyélinisation
Cette démyélinisation est à l’origine dans un premier temps d’un ralentissement de l’influx nerveux au sein du cerveau et vers les membres puis de l’altération des axones dépourvus de leur gaine protectrice conduisant un dysfonctionnement de la connexion entre les zones de commandes cérébrales et la périphérie aboutissant à l’installation progressive d’un handicap irréversible.
Le développement des immunothérapies visant à combattre l’inflammation dans le système nerveux central, initié au milieu des années 90 et très accéléré au cours des 5 dernières années a permis de diminuer significativement le nombre de nouvelles lésions dans le système nerveux central (les plaques) et le taux de poussées cliniques, dans les formes rémittentes (c’est-à-dire évoluant sous la forme d’une succession de poussées et de rémissions) de la maladie
Cependant, ces traitements s’avèrent insuffisants dans la phase progressive de la maladie, au cours de laquelle la dégénérescence neuronale entraîne l’apparition puis l’aggravation d’un handicap neurologique irréversible. Dans les études d’histoire naturelle de la maladie, cette phase secondairement progressive apparaissait dans environ la moitié des cas après 15 ans d’évolution d’une maladie rémittente, mais il est difficile actuellement d’avoir des chiffres précis, car il est vraisemblable que l’initiation précoce des traitements immunologiques en retarde la survenue. Dans 15% des cas environ, la maladie est d’emblée progressive.
Aujourd’hui face l’efficacité insuffisante des traitements immunomodulateurs ou immunosuppresseurs sur l’installation d’un handicap irréversible, la recherche s’oriente sur la possibilité de prévenir l’atteinte irréversible des neurones par la stimulation de la remyélinisation.
Vers une remyélinisation des lésions cérébrales
Les recherches actuelles s’orientent donc vers la possibilité d’augmenter la capacité de chaque patient àréparer, remyéliniser les lésions cérébrales.
Les études antérieures réalisées sur des cultures de cellules (in vitro) ont permis d’identifier et de comprendre de façon fine et précise les mécanismes biologiques et les cellules impliqués dans la formation et la réparation de la myéline.
Cette connaissance approfondie de ces processus biologiques a également abouti à l’identification d’un large panel de molécules « pro-myélinisantes » qui doivent aujourd’hui être évaluées pour leur efficacitéthérapeutique en situation pathologique chez l’humain. Grace à de nouvelles techniques d’imagerie cérébrale (séquences particulières d’IRM, Tomographie par émission de positons), pour certaines développées et testées à l’Institut du Cerveau, il est possible aujourd’hui de « quantifier » et de localiser les lésions réparées (remyélinisées) chez les patients.
Grâce à cette technique, les chercheurs ont observé que certains patients possèdent une capacitéintrinsèque de remyélinisation, alors que d’autres ont une moindre capacité de réparation. En outre, les travaux de Bruno Stankoff et Benedetta Bodini ont établi que cette capacité de réparation est très significativement inversement corrélée au handicap du patient mesuré cliniquement, renforçant l’intérêt des stratégies de remyélinisation !
Les nouvelles technologies couplées à la connaissance précise des mécanismes de remyélinisation permettent aujourd’hui d’initier des essais thérapeutiques de « nouvelle génération », avec des molécules innovantes et des outils d’évaluation spécifiques, afin d’évaluer l’efficacité remyélinisante.
Le futur d'une médecine personnalisée
A ce jour, la majorité des études cliniques menées dans ce domaine portent sur des patients présentant une névrite optique, signe clinique précoce de la maladie. Ces essais consistent à évaluer le degré de réparation de la myéline entourant les axones constituant le nerf optique, grâce à des mesures de la vitesse de conduction de l’influx nerveux dans le nerf optique. Quelques essais thérapeutiques sont également en cours incluant des patients présentant une forme rémittente de sclérose en plaques.
La recherche est donc aujourd’hui face à un nouveau challenge, celui de mettre en place et de développer des essais thérapeutiques adaptés à l’évaluation du degré de réparation de la myéline dans le cerveau des patients. Ces essais devront inclure un grand nombre de médicaments « candidats » dont les efficacités respectives pourront être comparées entre elles grâce à des cohortes de patients adaptées et homogènes en termes de capacité intrinsèque de remyélinisation.
Les méthodes d’évaluation de la remyélinisation et les caractéristiques cliniques des patients inclus dans ces études (niveau de handicap, forme d’évolution de la maladie (rémittente ou progressive), devront être adaptées à chaque essai.
Malgré ces nouveaux challenges, les résultats d’ores et déjà obtenus en recherche thérapeutique constituent une grande réussite au bénéfice des patients et sont surtout une source d’espoir dans la lutte contre la sclérose en plaques.