L’objectif du projet Cohorte Covid Neuroscience de l’Institut du Cerveau est d’étudier les conséquences neurologiques et psychiatriques de l’infection par le SARS-CoV-2 pendant un an. Cette étude unique porte plus particulièrement sur deux aspects, qui font toute son originalité : les effets directs de la Covid-19 sur le système nerveux central et l’impact de l’infection sur les patients atteints de maladies neurologiques comme la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou encore la sclérose en plaques.
Les premiers résultats du projet, six mois après le début de l’étude, identifient déjà un certain nombre d’effets de cette maladie et des facteurs impactant la sévérité de la Covid-19.
La sclérose en plaques (SEP) peut augmenter le risque de COVID-19 grave, selon les résultats d'une étude publiée dans JAMA Network, dans la mesure où l'âge et l'obésité sont des facteurs reconnus, la gravité du handicap neurologique résultant de la SEP (dont l'échelle est connue sous le nom de score EDSS) est liée à un risque accru de COVID-19 (nécessitant au moins une hospitalisation), bien qu'aucune association n'ait été trouvée entre l'exposition à un traitement modificateur de la maladie pour traiter l'affection neurologique et la gravité de COVID-19.
Plusieurs types d'anomalies cérébrales ont été identifiés chez les patients atteints de la Covid-19, grâce à l'imagerie cérébrale et aux équipes de neuroradiologie du département de neurosciences médico-universitaires de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP. Publiées dans Radiology, ces découvertes fournissent d'importantes données d'imagerie cérébrale chez les patients atteints de cette maladie et identifient plusieurs cibles cérébrales potentielles pour l'infection par le SARS-CoV-2.
D'autres publications dans le European journal of Neurology décrivent des caractéristiques communes d'encéphalopathies, visibles par tomographie par émission de positrons, suite à l'infection par le SARS-CoV-2, qui pourraient refléter un mécanisme immunitaire. Des cas de troubles du mouvement ont également été signalés, tels que des tremblements posturaux et d'action des membres supérieurs, des tremblements orthostatiques et des myoclonies. Apparaissant plusieurs semaines après la sortie de l'unité de soins intensifs, plusieurs hypothèses seront examinées à l'avenir sur les mécanismes impliqués, depuis les dommages directs au système nerveux central par le SARS-CoV-2 et un mécanisme immunitaire jusqu'à une origine métabolique.
Dès les premières semaines de la pandémie, des symptômes neurologiques ont été rapportés par les médecins chez les patients touchés par la Covid-19 comme la perte d’odorat ou de goût mais aussi des atteintes plus graves comme des convulsions ou des accidents vasculaires cérébraux. Face à cet enjeu, au mois d’avril 2020, en seulement quelques semaines, le projet a mobilisé l’ensemble des forces du département médico-universitaire Neuroscience de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et de l’Institut du Cerveau, soutenu par la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA), la FIA Foundation et les donateurs de l’Institut. Les chercheurs et cliniciens ont accompli le tour de force de mettre en place tout l’écosystème pour conduire cette étude dans des délais réduits, des autorisations cliniques et éthiques à la mise en place de la base de données et d’un comité de pilotage.
Plus de 550 sujets ont été recrutés à l’heure actuelle. La collecte des données, leur inclusion dans une base de données commune et leur analyse par les équipes de biostatistiques de l’Institut du Cerveau peut se faire en parallèle de l’entrée des patients dans la cohorte. C’est un gain de temps considérable pour obtenir des informations sur les conséquences neurologiques de la Covid-19 et pouvoir agir presque en « temps réel » chez les patients.
Toutes ces informations permettent aux chercheurs et aux cliniciens de reconstruire petit à petit le puzzle des manifestations neurologiques et psychiatriques de la Covid-19 et développer de nouvelles prises en charge pour aider au mieux les patients. Les efforts des chercheurs et cliniciens pour mieux caractériser les symptômes neurologiques des patients ont d’ailleurs conduit au développement d’une nouvelle approche thérapeutique dans les unités de soins intensifs.
Beaucoup d’autres travaux sont en préparation sur les AVC, chez les patients atteints de tumeurs cérébrales, ou encore dans la maladie de Parkinson. De plus, il reste encore de nombreuses données déjà acquises à analyser, en particulier biologiques, qui permettront de mieux comprendre la réponse immunitaire à l’infection chez les patients atteints de pathologies liées à l’immunité comme la sclérose en plaques. En parallèle, le suivi sur la durée des patients sur des aspects cliniques, cognitifs, biologiques ou encore d’imagerie est engagé afin de définir les caractéristiques de l’infection au SARS-CoV-2 à long terme.
Cette étude, qui a mobilisé toute la communauté de la neurologie et de la psychiatrie de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et de nombreux centres français, dépasse à présent le cadre national avec des collaborations avec de prestigieux centres de recherche comme les universités de Yale ou de Liverpool et dans des consortiums internationaux. Elles seront clé pour accroître nos connaissances sur l’infection et ses conséquences sur le système nerveux central, toujours au bénéfice premier des patients.
Sources
Delorme et al. Covid-19-related encephalopathy: a case series with brain FDG-PET/CT findings. Eur J Neurol. 2020. DOI:1111/ene.14478
Chougar et al. Retrospective observational study of brain MRI findings in patients with acute SARS-CoV-2 infection and neurological manifestations. Radiology. 2020 DOI:1148/radiol.2020202422
Louapre et al. Clinical characteristics and outcomes in patients with coronavirus disease 2019 and multiple sclerosis. JAMA Neurol. 2020 DOI:1001/jamaneurol.2020.2581
Altmayer et al. Therapeutic plasma exchange in a critically ill Covid-19 patient. J Clin Apher. 2020DOI:1002/jca.21830
Cao et al. Severe Covid-19-related encephalitis can respond to immunotherapy. Brain. Accepted. (preprint: hal-02918661)
Cuhna et al. Movement disorders as a new neurological clinical picture in severe SARS-CoV2 infection. Eur J Neurol. 2020. DOI:1111/ene.14474