Une étude conduite par Amandine Duchesne de l’INRA Jouy-en-Josas dans l’Equipe de Didier Boichard et de Khalid Hamid El Hachimi de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière dans l’équipe d’Alexis Brice rapporte que les mutations du gène KIF1C, responsables de la paraplégie spastique héréditaire type 58 (SPG58/SPAX2), sont également à l’origine d’une pathologie bovine, connue depuis les années 1970 ; l’ataxie progressive du Charolais. Cette découverte pourrait permettre des progrès dans la compréhension des mécanismes de la paraplégie spastique héréditaire de type 58 et le maintien de la myélinisation. Ces travaux sont publiés dans PloS Genetic.
En 1972, une nouvelle anomalie est identifiée en Grande-Bretagne, sur des bovins de race Charolaise : l’ataxie progressive. Les premières études histopathologiques montrent des lésions de démyélinisation touchant plusieurs fibres nerveuses, c’est-à-dire des zones dans lesquelles la myéline, la gaine isolante entourant les prolongements de neurones, disparait. Une cause génétique a longtemps été suspectée, mais sans être confirmée.
L’analyse du génome de ces animaux a permis de valider l’origine exclusivement génétique de cette anomalie et par la même d’identifier la mutation causale dans le gène KIF1C (Kinesin Family member 1C) associée à une extinction de l’expression de la protéine KIF1C dans les tissus nerveux. Un test moléculaire est maintenant disponible et constitue un outil de choix pour la détection de cette anomalie à la fois coûteuse pour l’élevage et portant atteinte au bien-être animal.
Chez l’Homme, les paraplégies spastiques héréditaires (HSP) humaines forment un ensemble cliniquement et génétiquement hétérogène d’anomalies neurodégénératives. Le signe d’appel est une faiblesse et une spasticité des membres inférieurs, conséquence clinique de la dégénérescence des axones cortico-spinaux, faisant le lien entre le cortex cérébral et la moelle épinière. A ce jour, plus de 70 types génétiques différents ont été décrits Les mutations du gène KIF1C sont associées à la paraplégie spastique héréditaire type 58 (SPG58/SPAX2). L’imagerie cérébrale montre des foyers de démyélinisation mais la nature exacte de la lésion demeurait inconnue.
La collaboration initiée entre les deux équipes de l’INRA et de l’Institut du Cerveau - ICM, grâce à l’accès au matériel biologique a permis de montrer que les bovins ataxiques pouvaient être considérés comme le premier modèle naturel de la SPG58. L’absence de KIF1C ou son altération impacte de manière importante le transport de l’actine, une molécule du cytosquelette - les différents composants donnant à une cellule son architecture et ses propriétés mécaniques-, au niveau des oligodendrocytes, les cellules du cerveau produisant la myéline. Cette découverte souligne le rôle de cette molécule dans le transport de l’actine et le maintien de l’intégrité structurale et fonctionnelle de la myéline. Ce modèle permettra de mieux comprendre la physiopathologie de l’anomalie, et de souligner notamment la nature cellulaire et moléculaire de la plaque de démyélinisation.
L’ataxie progressive du Charolais constitue donc un modèle naturel d’étude de la paraplégie spastique héréditaire type 58 (SPG58/SPAX2) et offre aussi et surtout un modèle d’étude de maladie démyélinisante.
Sources
Progressive ataxia of Charolais cattle highlights a role of KIF1C in sustainable myelination. Duchesne A, Vaiman A, Frah M, Floriot S, Legoueix-Rodriguez S, Desmazières A, Fritz S, Beauvallet C, Albaric O, Venot E, Bertaud M, Saintilan R, Guatteo R, Esquerré D, Branchu J, Fleming A, Brice A, Darios F, Vilotte JL, Stevanin G, Boichard D, El Hachimi KH. PLoS Genet. 2018 Aug 1
https://www6.jouy.inra.fr/gabi/Actualites/Mutation-du-gene-KIF1C