Que tirez-vous comme expérience en qualité de Directeur Médical de l’Institut du Cerveau ?
Le poste de Directeur médical a été créé officiellement peu après l’unification de l’IHU et de l’Institut du Cerveau. Jusqu’en 2016, l’IHU avait un directeur médical, qui était le chef du pôle des maladies du système nerveux de l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Lorsque les deux entités ont fusionné, il paraissait logique que le directeur général de l’ICM et de l’IHU s’appuie à la fois sur un directeur médical et un directeur scientifique. Depuis, le fonctionnement de l’Institut du Cerveau, avec les comités de direction et de pilotage, est devenu très opérationnel. Au cours des dernières années, j’ai surtout été frappé de voir à quel point le sentiment d’appartenance à l’Institut, que l’on soit personnel scientifique, administratif ou soignants, s’est développé.
Quel est le rôle de la direction médical à l’Institut du Cerveau ?
L’apport de la direction médicale est un travail collectif. Tout est parti d’un constat : un atout considérable de l’Institut du Cerveau est son implantation dans un très grand centre hospitalier avec une forte orientation neurologique. Ce constat a en bonne partie guidé ma démarche, c’est-à-dire développer le lien entre l’Institut et le groupe hospitalier. Chaque institution a sa propre dynamique, il peut exister des divergences de vues, des difficultés de communication… une partie significative de mon travail a été de faciliter les échanges, de renforcer les liens de confiance entre la direction du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière et l’Institut du Cerveau mais aussi entre l’Institut et plus généralement le siège de l’APHP.
Le cœur de ma démarche a donc été d’unir le pôle des maladies du système nerveux, devenu aujourd’hui un département médico-universitaire (DMU) de neuroscience, et l’Institut du Cerveau, afin de développer la recherche clinique, pour le personnel médical mais aussi paramédical. L’idée clé était que l’Institut du Cerveau soit le bras armé de la recherche clinique du DMU. Pour traduire en acte cette pensée, le coordonnateur de la recherche du DMU, le Pr Jean-Christophe Corvol, est aussi le représentant de la recherche clinique au comité de pilotage de l’ICM.
Quelles sont les avancées dont vous êtes le plus fier ?
Répétons-le, cette fierté résulte d’un effort collectif !
Dans l’optique du développement de la recherche clinique que j’évoquais précédemment, la création des iCRIN, les infrastructures de recherche clinique de l’Institut du Cerveau, sont un succès. Le projet iCRIN est basé sur le fait que les équipes de recherche dans les laboratoires sont soumises à une culture de l’évaluation, qu’il fallait transmettre également à nos équipes de soins, impliquées en recherche clinique. Ces iCRIN sont pour moi une réussite, à la fois par l’enthousiasme qu’elles ont suscité dans les équipes, par l’évaluation qui a été faite, et le soutien apporté par l’Institut pour leur permettre de développer leur projet de recherche clinique. Accélérer la recherche clinique par des moyens concrets, c’est aussi passer par le développement des fast-track avec l’APHP pour la mise en place rapide des projets de recherche clinique menés au sein de l’Institut du Cerveau ou par des équipes liées. Enfin, le développement de la recherche paramédicale, par le soutien de doctorants issus du personnel paramédical, qui forment le terreau des futurs cadres de cette recherche, est une vraie fierté.
Le développement des filières de soins a également été une avancée importante. Grâce au soutien de l’Institut du Cerveau et de son IHU il a été possible de démontrer l’efficacité de nouveaux métiers comme celui de coordonnateurs de soins et de filières d’aval. Pour bien prendre en charge un patient, il ne suffit pas de bien s’en occuper à l’hôpital. Il faut le suivre avant, pendant et après son passage dans nos services. Il faut que tout soit pensé de façon cohérente et adapté « sur mesure ». Avec l’aide du Pr David Grabli, la preuve de concept de l’utilité de cette fonction a pu être faite et nous a permis de convaincre nos tutelles de l’intérêt du métier. Nous sommes en train de titulariser ce poste pour l’ensemble du DMU, afin de nous aider à organiser des parcours de soins adaptés aux grandes pathologies neurologiques.
La pédagogie est aussi essentielle comme la Summer School, ou le programme STARE, animé par le Pr Vincent Navarro qui nous permet de proposer à tous nos étudiants hospitaliers de faire un stage au sein des équipes de recherche. Mon espoir est que ces jeunes, qui ont une vingtaine d’années, prennent le « bon virus » de la recherche, et qu’ils développent cet intérêt avec un master et une thèse par la suite. Offrir à tous nos futurs médecins de s’impliquer et de voir ce qu’est la recherche, est vraiment quelque chose d’important. Nous allons également proposer à nos chercheurs qui n’ont pas de formation médicale d’effectuer des stages d’immersion dans nos services cliniques, au contact des patients. L’objectif est que les chercheurs « purs » voient à quel point le clinicien est confronté dans sa pratique à l’unicité de chaque personne (« un patient unique dans un environnement unique ! », à la nécessité de faire du sur-mesure, bref que les différents métiers se connaissent et se respectent.
Quel futur voyez-vous pour le poste de directeur médical ?
Il faut garder l’ancrage clinique de l’Institut du Cerveau. Il faut développer la science sans limite mais l’Institut ne doit jamais oublier que sa mission ultime est de contribuer à l’amélioration de la prise en charge des maladies neurologiques et psychiatriques. Le directeur médical a pour moi un grand rôle à jouer pour contribuer à maintenir cet objectif. Le futur directeur doit agir pour faciliter encore plus cet échange réciproque entre cliniciens et chercheurs, avec en particulier une mission ou nous avons encore des progrès à faire : attirer les jeunes médecins vers la recherche et les jeunes chercheurs vers la médecine. C’est une priorité.
Il faut également continuer à renforcer la recherche clinique. Premièrement, en intégrant à l’Institut du Cerveau les équipes de Saint-Antoine, de Rothschild ou encore de Tenon qui composent le nouveau DMU. Il faut aussi continuer à professionnaliser le soutien à la recherche clinique, s’entourer d’experts du réglementaire, du data-management et des biostatistiques. Sur ce point, je pense que Neurotrials, l’unité de développement clinique précoce a un grand potentiel avec à termes l’idée que les projets peuvent naître, se développer et aboutir à des améliorations thérapeutiques, à partir de l’Institut.
Il reste aussi énormément à faire dans le domaine paramédical et l’Institut doit avoir un rôle pilote pour développer une recherche paramédicale de qualité. Cela implique aussi d’y mettre des moyens, pour créer une véritable école de recherche paramédicale.
Je suis heureux d’avoir travaillé avec les équipes de l’Institut du Cerveau. Je trouve que c’est une magnifique structure, une chance formidable pour le DMU de neurosciences. Les liens sont maintenant confiants, nos différences nous enrichissent et je souhaite bonne chance et beaucoup de succès au Pr Catherine Lubetzki, compagne de route à la Salpêtrière depuis des décennies, qui me succède et qui a toutes les qualités pour aider l’Institut à accomplir sa devise « Chercher, trouver, guérir ! ».