Une conséquence rare et tragique de l’épilepsie est la mort subite et inattendue (SUDEP pour Sudden unexpected death in epilepsy) qui survient au décours d’une crise convulsive. Les mécanismes en cause, respiratoires, cardiaques ou d’origine cérébrale, ne sont pas encore totalement élucidés. Ce risque est cependant très faible, environ 1 pour 1000 patients avec épilepsie. Une étude conduite par Alexandre Bacq dans l’équipe « Génétique et physiopathologie de l’épilepsie » de Stéphanie Baulac (Inserm) à l’Institut du Cerveau, s’est intéressée aux fonctions cardiaques chez une cohorte de patients à risque de SUDEP et en s’appuyant sur des modèles murins de SUDEP. Les résultats, publiés dans Annals of Neurology, ont un impact direct sur la prise en charge des patients, suggérant que certains examens cardiaques lourds pourraient être évités, et ouvrent la voie à de nouvelles recherches sur les mécanismes cérébraux dans la SUDEP.
En 2019, l’équipe de Stéphanie Baulac à l’Institut du Cerveau avait mis en évidence que le risque de mort subite est plus élevé dans les cas d’épilepsies pharmaco-résistantes liées à des mutations dans le gène DEPDC5, un acteur de la voie de signalisation mTOR. D’autres gènes de l’épilepsie sont associés à la SUDEP, notamment ceux codant pour des canaux ioniques. Des mutations de ces gènes ont pour conséquences des défaillances sur le plan cardiaque. Est-ce le cas chez les patients porteurs d’une mutation de DEPDC5 ?
Pour répondre à cette question, Alexandre Bacq et ses collaborateurs ont réuni une cohorte de patients porteurs d’une mutation de DEPDC5 – considérés comme à risque de SUDEP, et ont collecté des données d’électrocardiogramme (ECG), de holter (ECG sur 24h jusqu’à 8 jours), et des investigations structurelles par échographie transthoracique. Aucune anomalie cardiaque majeure n’a été identifiée chez les 16 patients étudiés. Trois de ces patients sont par la suite décédés de SUDEP. Les chercheurs ont eu accès au tissu cardiaque post-mortem de l’un d’eux et n’ont pas non plus observé d’anomalies comme des fibroses ou thromboses.
Afin d’aller plus loin dans l’exploration des mécanismes en jeu au moment de la SUDEP et « contrecarrer » les limitations de l’étude humaine, les chercheurs se sont orientés sur l’étude cardiaque et cérébrale d’un modèle murin génétique de déficience de DEPDC5. Pour cela, ils ont généré un nouveau modèle d’épilepsie et de SUDEP qui mime l’étiologie génétique humaine. Comme chez les patients, les rongeurs ne montrent aucune prédisposition cardiaque, ni de variations dans le rythme cardiaque à l’état basal. Lors de la crise fatale, l’arythmie cardiaque classiquement retrouvée lors d’une crise épileptique, n’est pas présente au début de la crise cérébrale.
Ces découvertes ont une première conséquence directe sur la prise en charge des patients porteurs d’une mutation du gène DEPDC5 à haut risque de SUDEP, en suggérant que des examens cardiaques lourds pour les patients, pourraient être limités. Si la mutation du gène DEPDC5 n’est pas associée à des dysfonctions cardiaques, quelle est l’origine de la SUDEP ? C’est plutôt au niveau cérébral que pourrait se trouver la réponse, par exemple dans le tronc cérébral qui contrôle les fonctions cardio-respiratoires. De futures recherches sur l’activité cérébrale pendant la SUDEP devraient permettre d’élucider les mécanismes à l’origine de cette conséquence tragique de l’épilepsie.
Sources
Bacq A, Roussel D, Bonduelle T, Zagaglia S, Maletic M, Ribierre T, Adle-Biassette H, Marchal C, Jennesson M, An I, Picard F, Navarro V, Sisodiya S and Baulac. Cardiac investigations in sudden unexpected death in DEPDC5-related epilepsy. Annals of Neurology. Oct 24. doi: 10.1002/ana.26256