Se défendre contre les infections est crucial pour la santé et la survie. Mais détecter les bactéries avant qu’elles ne pénètrent dans l’organisme est encore plus avantageux ! Dans ce contexte, notre odorat et notre goût sont particulièrement importants : ils nous permettent de savoir si un aliment est potentiellement avarié, empoisonné ou périmé, et ce grâce à des neurones sensoriels. Ces mécanismes de protection sont-ils également présents chez les animaux ? C’est la question à laquelle a voulu répondre l’équipe de Bassem Hassan, chef d’équipe à l’Institut du Cerveau – ICM. En étudiant la drosophile, ou mouche à vinaigre, les chercheurs ont mis en en évidence que ces insectes possèdent un récepteur, TRPA1, qui leur permet de détecter des substances nocives et d’éviter ainsi la nourriture contaminée. Ce mécanisme très conservé entre les espèces est sans doute essentiel pour la survie. Ces travaux réalisés au sein du VIB à Leuven en collaboration avec l’équipe de Karel Talavera à la KU de Leuven viennent d’être publiés dans eLIFE sciences.
Notre système immunitaire est capable de détecter et de combattre les infections. Cependant, lutter contre les infections demande beaucoup d’énergie. C’est pour cela que l’être humain possède des mécanismes pour les éviter, tels que la réaction inflammatoire qui se produit quand une bactérie entre sous la peau ou la sensation désagréable d’un aliment avarié. De nombreux organismes, notamment les insectes se posent et se nourrissent d’aliments en décomposition. L’équipe de Bassem Hassan a voulu savoir si ces animaux possédaient, comme l’homme, un système leur permettant de détecter les bactéries qui s’y développent.
Pour répondre à cette question les chercheurs ont étudier la mouche de vinaigre également nommée drosophile. La drosophile se nourrit et pond ses œufs sur des aliments en décomposition, notamment les fruits trop mûrs qui représentent un apport très énergétique et une source de protéines, de cholestérol et de levures. Cependant, qui dit fruits trop murs ou en décomposition dit présence de bactéries, tel que Escherichia Coli (E.coli). Cette bactérie libère une toxine qui peut être nocive chez l’homme tout comme chez la drosophile.
Pour étudier si les drosophiles possèdent un mécanisme sensoriel capable de détecter les bactéries, les chercheurs leur ont proposé deux types d’aliments, des aliments sains et des aliments contaminés par la bactérie E.coli et ont alors observé leurs choix alimentaires et de ponte. Les mouches évitent l’aliment contaminé qu’elles goutent et rejettent rapidement, et les femelles évitent de pondre leurs œufs sur les aliments contaminés. Les drosophiles possèdent donc un mécanisme spécifique de détection et d’évitement des aliments potentiellement dangereux.
Les chercheurs ont identifié les neurones impliqués dans ce mécanisme : il s’agit de deux neurones sensoriels situés dans les mandibules de la drosophile et capables de détecter les substances aversives. Ils ont également montré que l’expression d’un récepteur sensoriel, TRPA1, dans ces cellules est nécessaire à cette détection. En effet, quand ce récepteur est supprimé, les mouches consomment la nourriture contenant la bactérie et les femelles pondent leurs œufs dessus. Sans TRPA1, les mouches ne font donc plus la différence entre nourriture saine et nourriture infectée, ce récepteur est donc indispensable pour protéger les drosophiles contre les infections. Ce mécanisme très conservé entre les espèces est sans doute essentiel pour la survie.
La drosophile n’est pas dangereuse mais d’autres insectes peuvent être une nuisance terrible pour l’agriculture et être vecteurs de maladies pour l’homme. Le mécanisme d’évitement des substances aversives chez la drosophile est très conservé également chez les autres insectes. La modification génétique du récepteur impliqué dans la détection de substances nocives pourrait rendre les insectes nuisibles plus sensibles aux bactéries et ainsi faciliter leur élimination par une voie naturelle.