Des chercheurs de l’Institut du Cerveau - ICM viennent de montrer, pour la première fois, que des lésions précoces localisées dans une région précise du cerveau surviennent 20 ans avant l’apparition des démences frontotemporales. Cette découverte majeure permettrait de diagnostiquer la maladie très précocement et, à l’avenir, de débuter des essais thérapeutiques et de traiter les personnes à risque avant même qu’elles ne développent les premiers symptômes cliniques.
Les démences frontotemporales (DFT) sont des maladies neurodégénératives apparentées à la maladie d’Alzheimer. Elles s’en distinguent néanmoins par la nature et la localisation des lésions, qui affectent préférentiellement les neurones des régions frontales (antérieures) et temporales (latérales) du cerveau. Elles se manifestent par des modifications comportementales tels qu‘une apathie (perte de motivation, de prise d’initiative), une désinhibition, des troubles du contrôle émotionnel et du comportement alimentaire survenant vers l’âge de 60 ans.
Les lésions cérébrales responsables des DFT, comme celles d’autres maladies neurodégénératives, se constituent à bas bruit plusieurs années ou dizaines d’années avant que la maladie ne s’exprime cliniquement. Identifier la région du cerveau où débutent ces lésions et déterminer à quel moment elles se constituent sont des enjeux important de la recherche sur les DFT.
Pour répondre à ces questions, les Drs Isabelle Le Ber et Paola Caroppo, dans les équipes des Pr Brice et Pr Dubois conduisent une étude visant à identifier des marqueurs permettant de diagnostiquer et traiter précocement cette maladie. Ce travail est mené en étroite collaboration avec les équipes de neuro-imagerie des Drs Marie-Odile Habert (LIB, Sorbonne Université) et Olivier Colliot (COGIMAGE, Institut du Cerveau) et avec le Centre d’Investigation clinique de l’Institut du Cerveau (Pr Corvol).
Grâce à des techniques de pointe d’imagerie cérébrale, les chercheurs ont identifié une région très limitée du cerveau, le gyrus temporal moyen, qui pourrait être le siège des premières lésions cérébrales dans une forme génétique de DFT. Des anomalies structurelles (étude de l’épaisseur du cortex) et du métabolisme cérébral (étude tomographie par émission de positons) sont en effet détectables dans cette région près de vingt ans avant le début des premiers symptômes de la maladie, montrant que le processus lésionnel s’installe de nombreuses années avant que la maladie ne s’exprime cliniquement.
La région identifiée est impliquée dans la compréhension du langage (lésions gauches) mais également dans la capacité à interagir avec autrui (cognition sociale) et à identifier des émotions (reconnaissance des émotions faciales), des aptitudes qui sont précocement altérées chez les patients atteints de DFT.
Cette découverte majeure permet, pour la première fois, de localiser le début du processus lésionnel dans une forme de la maladie au niveau d’une région cérébrale, avant la phase clinique de la maladie. Cette région constitue le premier marqueur lésionnel précoce, qui devrait permettre, dans l’avenir, de débuter des essais thérapeutiques et traiter des personnes à risque, en particulier dans les formes génétiques de la maladie, avant même qu’elles ne développent les premiers symptômes cliniques.