Quelles sont les bases cérébrales de notre créativité ? Quelles régions de notre cerveau sont activées lorsque nous réalisons une tâche créative ? Une étude conduite par Emmanuelle Volle à l’Institut du Cerveau – ICM a exploré la capacité créative de patients présentant des lésions cérébrales au sein des lobes frontaux et a mis en évidence 2 réseaux cérébraux indispensables à la créativité. Ces deux réseaux, dont l’un est impliqué dans les processus de contrôle et l’autre dans les processus d’association d’idées spontanées, impliquent des régions frontales distinctes.
La notion de créativité est imprégnée de deux idées contradictoires. La première considère la créativité comme un comportement volontaire dirigé vers un but et faisant appel à des fonctions élaborées pour manipuler mentalement des idées et les recombiner tout en inhibant les propositions inappropriées. Ces fonctions élaborées, appelées « fonctions de contrôle » dépendent de la partie antérieure du cerveau, le cortex frontal. La seconde idée considère que la créativité résulte d’un relâchement des contraintes, de nos inhibitions. En relâchant les fonctions de contrôle et en laissant nos pensées vagabonder, nous faisons de nouvelles associations d’idées spontanées.
Pour mieux comprendre le rôle du cortex frontal dans la créativité, les chercheurs de l’Institut du Cerveau – ICM ont testé les capacités créatives de 29 patients présentant une lésion circonscrite au sein du lobe frontal, analysée par IRM.
Les patients ont passé deux types de tests. Le premier consiste à trouver un lien entre 3 mots qui ne sont pas habituellement associés. Par exemple, quel mot est lié à la fois aux mots « attacher », « pont » et « social » ? La réponse est le mot « lien ». Ce test a pour origine une tâche similaire développée dans les années 1960 par le Dr Mednick qui se base sur l’idée que la créativité est « la capacité à combiner des éléments dans un but précis ». Cette tâche de créativité fait appel à la fois à des processus d’associations d’idées, et à des processus de contrôle pour sélectionner et recombiner ces idées.
La deuxième tâche, dite « des associations libres d’idées » consiste à donner un mot au patient et à lui demander soit le premier mot qui lui vient à l’esprit, soit un mot qui ne lui est pas habituellement associé. Ce test permet d’observer à quel point les patients sont capables de générer des associations distantes. Par exemple si le mot JOUR est proposé, 75% des gens vont répondre NUIT, la force d’association (ou distance sémantique) entre JOUR et NUIT est donc de 75%. C’est sur ces normes que se basent les tests d’associations d’idées.
Les chercheurs ont mis en évidence deux régions particulières du lobe frontal dont l’intégrité est nécessaire à la créativité verbale explorée par ces taches. Lorsque la lésion des patients touche un réseau frontopariétal latéral gauche, impliqué classiquement dans le contrôle cognitif, les patients ont des difficultés dans la tâche verbale de combinaison des trois mots, donc mettant en jeu des processus de contrôle. En particulier la région rostrolatérale est un nœud critique dans ce réseau. Mais lorsque la lésion touche un réseau médial impliquant la région frontale médiale droite, les patients présentent des difficultés dans l’exercice d’association spontanée d’idées. Leurs réponses sont très stéréotypées, beaucoup plus banales que celles des autres patients ou des sujets sains, indiquant une certaine forme de rigidité entre un mot et son association dominante. Autrement dit, les aspects spontanées et contrôlés de la créativité dépendraient tous les 2 du cortex préfrontal mais impliqueraient des systèmes différents, un système médial et un système latéral.
Sources
https://academic.oup.com/brain/article-abstract/141/1/217/4652877?redir…
Bendetowicz D, Urbanski M, Garcin B, Foulon C, Levy R, Bréchemier ML, Rosso C, Thiebaut de Schotten M, Volle E.
Brain. 2017 Nov 22.