Les patients atteints d’alexie pure perdent complètement ou partiellement la capacité de lire. L’équipe de Laurent Cohen, neurologue et chercheur à l’Institut du Cerveau – ICM, en collaboration avec une équipe londonienne, a voulu comprendre le mécanisme cérébral mis en jeu dans cette pathologie, qui survient à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Grâce à des études par IRM fonctionnelle, les chercheurs ont mis en évidence la possibilité d’une réorganisation des connexions nerveuses pour compenser les pertes de fonctions liées aux lésions cérébrales.
A la suite d’un accident vasculaire touchant le dessous du lobe temporal gauche, certains patients deviennent incapables de lire, alors que toutes leurs autres capacités demeurent intactes. Ils peuvent notamment parler, comprendre, et même écrire normalement. Cette situation est connue depuis le XIXème siècle sous le nom d’alexie pure. Grâce au développement de l’imagerie cérébrale anatomique et fonctionnelle, on sait maintenant que l’alexie pure résulte de la destruction ou de la déconnexion d’une région corticale bien précise spécialisée dans la reconnaissance des lettres écrites. Mais si les causes de l’alexie sont assez bien connues, on comprend encore mal comment les patients peuvent progressivement récupérer, après leur accident, des capacités de lecture convenables.
L’équipe de Laurent Cohen, neurologue et chercheur à l’Institut du Cerveau – ICM, en collaboration avec une équipe londonienne, a étudié les mécanismes de récupération de l’alexie chez un patient exceptionnel. Celui-ci se trouvait être lui-même un neuroscientifique spécialiste de la vision. Son alexie, initialement très sévère, s’est progressivement améliorée sur une période de deux années. Au cours de cette même période, il participa à 9 séances d’imagerie cérébrale en IRM anatomique et fonctionnelle, permettant d’étudier l’évolution des circuits cérébraux de la lecture au cours du temps.
L’amélioration progressive (et incomplète) de la lecture s’est accompagnée de changements dans des parties du cortex visuel épargnées par l’accident, que ce soit en arrière de la lésion vasculaire ou dans l’hémisphère droit, qui était intact. Ces régions ont vu leur activité augmenter, non seulement au cours de la lecture, mais aussi lors de la perception de toutes sortes d’images. De plus, au cours de la lecture exclusivement, la communication de ces régions avec les aires cérébrales du langage s’est progressivement accrue.
Ces résultats révèlent qu’une voie alternative peut se mettre en place à la suite de la destruction de la région visuelle spécialisée dans la lecture. Toutefois, le patient n’a pas retrouvé une lecture normale. Les lecteurs adultes identifient les mots d’un seul coup d’œil, reconnaissant toutes leurs lettres simultanément. Le patient, comme c’est généralement le cas dans l’alexie pure, persiste à déchiffrer les mots « lettre par lettre », quoique plus rapidement que dans les suites immédiates de son accident.
Sources
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0028393216302536
Laurent Cohen, Stanislas Dehaene, Samantha McCormick, Szonya Durant, Johannes M. Zanker. Neuropsychologia, 2016.