Pour prendre en charge les manifestations du trouble bipolaire au quotidien, il existe une typologie de traitements aidant à prévenir les phases dépressives et maniaques.
La pierre angulaire de la prise en charge du trouble bipolaire reste les traitements médicamenteux, mais il existe également des solutions non-médicamenteuses pouvant réduire les symptômes de la bipolarité.
Les traitements médicamenteux
Il existe trois grandes classes de traitements thymorégulateurs ou régulateurs de l’humeur, à savoir : les traitements à base de lithium, les médicaments appartenant à la famille des anticonvulsivants, ainsi que certains antipsychotiques atypiques.
Le lithium
Différentes formes du lithium, comme les sels de lithium, peuvent s’avérer efficaces pour prévenir le risque suicidaire.
Le lithium est malheureusement sous-prescrit à cause de ses effets secondaires au long cours et notamment de possibles effets sur la fonction rénale et sur la thyroïde, qui nécessitent une surveillance biologique régulière. Il est fondamental de souligner que malgré ses effets secondaires, le lithium diminue la mortalité (et donc, augmente l’espérance de vie) des patients.
Anticonvulsivants et autres traitements médicamenteux contre la bipolarité
Les deux autres classes de traitements sont certains médicaments anticonvulsivants (antiépileptiques), ainsi que la majorité des antipsychotiques atypiques. Certains traitements antidépresseurs peuvent parfois être utilisés, mais ponctuellement, c'est-à -dire pour la prise en charge d’un épisode dépressif, en association avec un traitement thymorégulateur, et pour une durée courte.
Traitements non médicamenteux en guise de complément ?
Des traitements non médicamenteux existent également en complément de l’approche médicamenteuse comme la luminothérapie ou la neurostimulation, avec la stimulation magnétique transcrânienne et surtout l’électro-convulsivothérapie dans les formes graves et résistantes de la bipolarité.
Un aspect absolument fondamental pour aider une personne atteinte d’un trouble bipolaire est la psychoéducation, ou l’éducation thérapeutique. En effet, le patient doit être un expert de sa maladie, et ses traitements. Il doit apprendre en particulier, à repérer les signes avant-coureurs d’un épisode dépressif ou maniaque. Cela est essentiel pour agir au plus vite et éviter une hospitalisation. Ce travail doit être mené avec les proches, car ce sont parfois eux qui vont signaler les symptômes avant un épisode.
Les différentes formes de psychothérapies et les règles hygiéno-diététiques sont importantes au quotidien. L’hygiène de vie est un élément en soi de contrôle du trouble. Avoir des horaires fixes de sommeil, une heure de lever fixe dans la semaine, limiter la prise de produits excitants et toxiques comme la cocaïne ou le cannabis…
À l’Institut du Cerveau
À l’Institut du Cerveau l’équipe « Motivation, Cerveau et Comportement » mène des travaux sur deux aspects des troubles de l’humeur.
Le premier concerne les effets des épisodes thymiques. Les variations d’humeur ont un impact sur la prise de décision, la motivation, le traitement de l’information par les patients. Certains des travaux effectués à l'Institut du Cerveau cherchent donc à caractériser les troubles de la motivation au cours des épisodes thymiques et notamment lors de la dépression.
Plus d’informations : https://institutducerveau-icm.org/fr/actualite/dire-secoue-toi-a-personne-deprimee-ca-ne-sert-a-rien/
L’autre aspect des recherches entreprises à l'Institut du Cerveau est de comprendre la cinétique des fluctuations d’humeur. Est-il possible de décrire, sur le plan cognitif, comment apparaissent les fluctuations de l’humeur que nous pouvons tous expérimenter au quotidien ou les fluctuations pathologiques ? Celles-ci suivent-elles le même pattern et la même logique ? Comment l’humeur impacte-t-elle le traitement de l’information ?
Depuis quelques années, certaines équipes se sont intéressées à construire un modèle computationnel de l’humeur, c’est-à-dire essayer de décrire à l’aide d’équations comment une séquence d’événements positifs et négatifs peuvent être intégrés au cours du temps au sein d’un signal d’humeur. Évidemment, il s’agit d’un phénomène réciproque : l’humeur est influencée par les événements de vie que nous traversons, mais elle impacte également la façon dont nous les percevons.
Une concentration particulière sur les variations d’humeur
Une première étape de cette ligne de recherche est d’induire des fluctuations minimales de l’humeur chez des sujets sains sur une durée courte, par exemple à l’aide de stimuli positifs ou négatifs, pour décrire comment ils se répercutent sur l’humeur des participants (mesurée par des évaluations subjectives). Il est alors possible de décrire mathématiquement ce phénomène, de coupler cette approche avec de la neuroimagerie pour en voir les corrélats cérébraux, ou d’étudier l’impact de ces fluctuations de l’humeur sur la prise de décision.
Plus d’informations : https://institutducerveau-icm.org/fr/actualite/humeur-influence-nos-decisions/
Une des limites est la question de l’échelle de temps. Au laboratoire et a fortiori dans une machine d’IRM, on n’étudie classiquement que des fluctuations à une échelle de temps courte, de quelques minutes ou quelques heures. À l’inverse, en clinique, ces fluctuations sont évidemment beaucoup plus intenses, mais également beaucoup plus lentes : les épisodes thymiques s’étendent sur des semaines voire des mois.
Naissance d’un projet de recherche autour de la bipolarité et des troubles de l’humeur
L'équipe de recherche souhaite utiliser la même logique, mais pour comprendre les fluctuations d’humeur à une échelle de temps beaucoup plus longue, notamment grâce à la création d’une application.
Schématiquement, il s’agira de savoir si les équations utilisées pour décrire des fluctuations de l’humeur minimale sur un temps court peuvent également s’appliquer pour prédire des fluctuations beaucoup plus intenses évoluant sur plusieurs semaines.
Une des façons de faire sera de faire passer le même genre de tâches cognitives que celles que nous avons déjà utilisées chez des volontaires sains (c’est-à-dire sur une durée courte de quelques dizaines de minutes) à des patients atteints de troubles bipolaires. Il s’agira alors appliquer le modèle computationnel développé par les chercheurs pour extraire ce que l’on appelle des paramètres libres, c’est-à-dire des nombres décrivant — en l’occurrence — comment sont accumulés les signaux positifs et négatifs au cours du temps au sein du signal d’humeur. Outre la comparaison directe avec des volontaires sains, ils pourront également voir si ces paramètres libres (obtenus sur une durée courte) permettent de prédire l’évolution de l’humeur à une durée beaucoup plus longue, telle que mesurée par l’application.
À très long terme, ce genre de stratégie pourrait être un élément, parmi d’autres, pour guider le clinicien dans ses choix thérapeutiques.
Un second aspect du projet est d’étudier les bases neurobiologiques de cette cinétique de l’humeur. Malheureusement, la majorité des techniques d’imagerie ne permettent pas de suivre comment évoluent l’activité de différentes régions cérébrales sur une durée longue (il n’est pas possible de laisser un patient dans un scanner pendant plusieurs jours !) Il y a donc un véritable défi technologique pour changer d’échelle de temps et décrire un processus à l’échelle de plusieurs semaines !
Ces recherches sur la fluctuation des humeurs dans un laps de temps plus long pourront notamment constituer le terreau d’une recherche plus granulaire, et plus riche, autour des troubles du spectre de la bipolarité.