La stimulation trans-crânienne par courant direct serait bénéfique dans le traitement de l’aphasie primaire progressive. C’est ce que vient de montrer une étude pré-thérapeutique menée par les équipes du Dr Marc Teichmann, praticien hospitalier au sein du département de neurologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, et d’Antoni Valero-Cabré, directeur de recherche au CNRS, tous deux rattachés à l’Institut du Cerveau – ICM.
L’aphasie primaire progressive (APP) est une maladie dégénérative qui se caractérise par une perte progressive du langage. La forme la plus fréquente de l’APP, dite « sémantique », est définie par une perte progressive des concepts et du sens des mots.
Indépendamment de leur origine, dégénérative ou post-AVC, il n’y a pas de traitement validé pour les aphasies. Les études réalisées jusqu’à maintenant s’appuyaient sur de trop petites cohortes (souvent moins de 6 patients) ou sur des études de cas individuels, rendant difficile l’interprétation des résultats.
Le Dr Marc Teichmann, praticien hospitalier au sein du département de neurologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de l’AP-HP et le Dr Antoni Valero-Cabré, directeur de recherche au CNRS, tous deux rattachés à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, ont coordonné une étude sur douze patients atteints d’APP sémantique. Une méthodologie rigoureuse en double aveugle contre placebo a permis d’évaluer l’effet de la stimulation trans-crânienne par courant direct (tDCS) sur les capacités linguistiques/sémantiques.
La tDCS est une stimulation non-invasive consistant à faire passer un courant continu de faible intensité au moyen de deux électrodes placées sur la peau du crâne. Comme elle ne génère pas de sensations particulières sur la région stimulée, ni les patients ni les médecins ne peuvent différencier la stimulation active du placebo.
Les effets cliniques à court terme de trois types de stimulation (anodal-excitatrice du cortex temporal antérieur gauche ; cathodal-inhibitrice du cortex temporal antérieur droit ; stimulation placebo) ont été évalués lors de trois séances espacées d’une semaine. Les effets des trois types de stimulation ont ainsi pu être comparés.
L’effet des stimulations a été évalué par un test sémantique multi-dimensions. L’analyse du contraste avant/après stimulation, en comparant la tDCS gauche et droite à la stimulation placebo a montré plusieurs effets significatifs : un gain de fonction pour les performances en sémantique verbale et un gain de fonction plus spécifiquement pour les catégories « vivants ». Un modèle computationnel qui tenait compte de la localisation des électrodes et de la conductivité des différentes couches de tissus (de la peau du scalp jusqu’au cortex cérébral) a montré la bonne focalité de l’intervention sur la région antérieure du lobe temporal et l’efficacité du courant électrique délivré depuis le scalp sur le cortex cible.
Il faut noter que la tDCS est moins coûteuse et plus facile d’utilisation que d’autres méthodes de modulation cérébrale non-invasive comme la stimulation magnétique transcrânienne (TMS).
Cette étude pré-thérapeutique suscite maintenant l’espoir de développer des applications cliniques avec des effets plus durables pour les patients atteints d’aphasies d’origine dégénérative. Un protocole à ambition thérapeutique, utilisant des stimulations répétées pendant 10 jours pour induire un effet de plusieurs mois, promu par des mécanismes de neuroplasticité, a été élaboré et a obtenu récemment une promotion de l’AP-HP. En cas d’efficacité, le procédé de plusieurs jours consécutifs de stimulation pourra être répété dès que les effets bénéfiques s’estompent.
A terme, ces traitements par stimulation pourraient être personnalisés en fonction des paramètres crâniens, de la charge et de la distribution lésionnelles de chaque patient, afin d’optimiser la stimulation pour obtenir des effets thérapeutiques significatifs et durables chez tous les patients.
Sources
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ana.24766/full
Teichmann M, Lesoil C, Godard J, Vernet M, Bertrand A, Levy R, Dubois B, Lemoine L, Truong DQ, Bikson M, Kas A, Valero-Cabré A. Ann Neurol. 2016 Sep 19.