L’équipe de Bassem Hassan à l’Institut du Cerveau - ICM a découvert un type particulier de cellules souches neurales et mis en évidence un mécanisme de contrôle temporel très précis du fonctionnement de ces cellules au cours du développement du cerveau chez la drosophile (mouche du vinaigre). Ces résultats, publiés dans la prestigieuse revue Developmental Cell, ouvrent la voie à des études moléculaires et génétiques poussées pour mieux comprendre la biologie de ces cellules.
Le développement du cerveau est un ensemble de processus extrêmement complexes dont beaucoup sont encore peu explorés. Parmi eux, produire le nombre correct de neurones est primordial. Il repose sur une parfaite coordination temporelle et spatiale de la division des cellules souches neurales au cours du développement. Ce contrôle très précis de la division cellulaire et de la différentiation de ces cellules vers les différents types cellulaires composant l’organe est encore mal compris.
Au cours du développement, la production de neurones ou de cellules gliales est issue d’une série de divisions cellulaires qui ont pour point de départ les cellules souches neurales :
- Des divisions asymétriques qui donnent naissance à une nouvelle cellule souche et une autre cellule fille qui se différenciera en un type de neurone particulier. Ce type de division permet l’auto-régénération des cellules souches, c’est-à-dire de toujours garder une réserve stable de cellules souches.
- Des divisions symétriques qui donnent soit deux cellules qui vont se différencier, soit deux nouvelles cellules souches. Selon l’étape du développement du cerveau, ces divisions permettent l’auto-amplification des cellules souches pour en augmenter le stock ou de produire les cellules différenciées comme les neurones qui formeront le cerveau.
Chez l’homme, une phase de division symétrique auto-amplificatrice des cellules souches neurales a été identifiée au cours du développement du cerveau. En revanche les mécanismes régulant cette phase restent mal compris.
La drosophile est un modèle essentiel pour étudier les mécanismes moléculaires, cellulaires et génétiques du développement du cerveau. D’après les modèles actuels de drosophile, les cellules souches neurales ne se divisent que de manière asymétrique au cours du développement du cerveau.
L’équipe de Bassem Hassan* a réussi à identifier le premier exemple de cellules souches neurales auto-amplificatrices utilisant la division asymétrique chez la drosophile ainsi que leur rôle dans l’augmentation du nombre de neurones.
« Ces cellules, qui ont la capacité de s’auto-amplifier et donc d’augmenter les réserves de cellules souches lors du développement du cerveau, pourraient être en partie responsables de l’augmentation massive du cortex que l’on observe chez les espèces présentant un cerveau plus grand. » avance Bassem Hassan, dernier auteur de la publication.
« Nous nous réjouissons de cette belle découverte. Le travail de Bassem Hassan et son équipe apportera un éclairage nouveau sur la régulation des cellules souches au cours du développement du système nerveux, avec un impact majeur sur notre manière de penser le cerveau et son développement. » Pr Alexis Brice, Directeur Général de l’Institut du Cerveau.
Les chercheurs ont ensuite étudié les mécanismes entourant le fonctionnement de ces cellules particulières.
La neurogenèse est régulée par un nombre faible et très conservé au cours de l’évolution de protéines proneurales, dont le rôle dans la division asymétrique et l’initiation de la différentiation des cellules est bien connu.
Les chercheurs, conduits par Natalia Mora, première auteure de l’étude, ont montré que ces cellules souches sont générées par une conversion temporelle de certaines cellules souches neurales d’un mode de division asymétrique à un mode de division symétrique. Ce changement est accompagné d’une modification de l’expression de certaines protéines proneurales. Il est de plus nécessaire et suffisant pour modifier le type de division et générer le bon nombre de neurones lors du développement.
« Au-delà de l’identification de ce nouveau type de cellules souches neurales, nos résultats suggèrent que la régulation différentielle, quantitative et strictement contrôlée des protéines proneurales et de leurs cibles jouerait un rôle d’horloge moléculaire contrôlant toute une série d’événements au cours du développement. » conclut Bassem Hassan.
« Ce travail pionnier de l’équipe de Bassem Hassan qui met en évidence un nouveau type de cellules souches est fondamental, » ajoute Tom Skalak, directeur général du Paul G. Allen Frontiers Group. » Il nous apprend qu’un contrôle temporel très précis du fonctionnement de ces cellules a lieu au cours du développement du cerveau, de la même façon que l’aiguillage est essentiel dans des systèmes complexes créés par la main de l’homme comme les téléphones portables ou les ordinateurs. Il n’est peut-être donc pas étonnant que l’évolution utilise de tels mécanismes pour optimiser la croissance des cerveaux complexes. »
*Bassem Hassan, chef de l’équipe « Développement du cerveau » à l’Institut du Cerveau, est directeur de recherche à l’Inserm, Einstein Visiting Fellow à l’Université Libre de Berlin et au Berlin Institute of Health, et Allen Distinguished Investigator.
Sources
A Temporal transcriptional switch governs stem cell division, neuronal numbers and maintenance of differentiation. Natalia Mora, Carlos Oliva, Mark Fiers, Radoslaw Ejsmont, Alessia Soldano, Ting-Ting Zhang, Jiekun Yan, Annelies Claeys, Natalie De Geest, Bassem A. Hassan. Developmental Cell. March 22, 2018.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1534580718301552