Tribune de Yves Agid, médecin neurologue et membre fondateur de l’Institut du Cerveau, suite au colloque d’Histoire des Neurosciences FENS-Institut du Cerveau, les 3 et 4 décembre 2015.
Une des difficultés pour former au mieux nos jeunes chercheurs est de résoudre cette contradiction apparente : d’un côté, l’excellence scientifique impose d’approfondir un thème de recherche restreint ; de l’autre, la résolution d’un tel problème ne prend vraiment son sens que si la solution conduit à répondre aux grandes questions de la science moderne. D’un côté, le directeur de l’équipe de recherche incite les jeunes chercheurs à utiliser les techniques les plus sophistiquées pour répondre à une question apparemment ténue ; de l’autre ce jeune chercheur en formation doit, s’il veut réussir, intégrer son travail dans le contexte général de la physiologie cérébrale et/ou de la pathologie du système nerveux. Ainsi tout étudiant, doctorant ou post-doctorant doit non seulement devenir un méthodologiste de premier ordre mais aussi acquérir une culture scientifique large. C’est pour cette raison que l’Institut du Cerveau organise des séminaires ciblés et des « conférences Institut du Cerveau » générales, des ateliers et des colloques, des conférences « Science, Art et Culture ».
C’est connu, les avancées médicales et les découvertes scientifiques se font souvent à l’union de divers courants de pensées, de projets scientifiques apparemment éloignés des uns et des autres, de méthodologies distinctes. Plus important encore, c’est un certain esprit de recherche dont l’étudiant doit s’imprégner. La rigueur, certes ; la logique et le raisonnement, bien sûr ; la capacité de traduire en protocoles intelligents des hypothèses fondées et ambitieuses, encore mieux ! Etre créatif tout en ayant les pieds sur terre, et donc savoir prendre des risques calculés… le plus difficile ! C’est là que l’exemple des grands pionniers de la science est essentiel à faire connaitre, Galilée, Newton, Darwin, Claude Bernard et les autres… Autant de génies qui nous ont montré la voie. Il ne s’agit pas d’entrer en compétition ! Il s’agit, en toute humilité, de s’inspirer du mode de penser de ces scientifiques d’exception.
En ce sens, tous les jeunes neuroscientifiques qui s’engagent dans cette aventure, ont intérêt à s’inspirer des modes de raisonnement et des parcours scientifiques de nos prédécesseurs. C’est l’objectif de l’histoire des Neurosciences qui peut nous apprendre à comprendre la démarche intellectuelle de ceux qui ont réussi… qui consiste, bien souvent, à éviter les erreurs de ceux qui ont compris qu’ils en avaient faites… C’est la raison pour laquelle l’Institut du Cerveau, avec la complicité de la FENS (Fédération Européenne des Neurosciences) a permis la tenue du premier colloque nationale d’Histoire des Neurosciences qui s’est déroulé à l’Institut du Cerveau les 3 et 4 décembre 2015. L’objectif était de réunir sur un même lieu (l’Institut du Cerveau, centre international de Neurosciences et de prises en charge des patients atteints des maladies du système nerveux) des historiens, des philosophes, des scientifiques, des médecins de tout bord. A notre grande surprise, cette Première a eu un succès inespéré puisque plus de 200 personnes ont assisté au colloque. Il est vrai que les orateurs étaient de premier ordre, particulièrement compétents dans leur domaine, ce qui a donné lieu à des discussions… qui sont loin d’être terminées. L’Ecole de Neurologie de Jean Martin Charcot était évidemment à l’honneur, « formidable entreprise » de recherche tout azimut de la fin du XIX siècle dont l’école se pérennise encore aujourd’hui… avec l’Institut du Cerveau.